L'analyse des modalités d'encadrement des nouvelles technologies est particulièrement fascinante. En effet, face à la complexité que représente le réseau internet (pas de point central de contrôle, pas de frontière, multiplicité d'acteurs), les interventions publiques sont toujours délicates. Il suffit de voir les nombreux débats qui ont entouré l'adoption de la loi pour la confiance dans l'économie numérique ou le projet de loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information.
Depuis quelques temps, il apparaît de plus en plus clairement une volonté d'identification et/ou d'authentification des acteurs intervenants sur le secteur internet. Cette explication vient sans doute de deux constats : une démocratisation de plus en plus présente des nouvelles technologies au sein de la société française, faisant qu'aujourd'hui de très nombreux Français et pas seulement des techniciens se connectent et surfent régulièrement ; une demande de plus en plus forte de ces utilisateurs d'une construction d'une "confiance" dans l'internet.
Parmi les outils de construction de la confiance, il y en a un qui prend toute son importance : l'identification. Il s'agit de savoir avec qui on dialogue, quelle est sa nature, son nom, ses coordonnées. Mieux, les pouvoirs publics sont entrés dans une logique plus profonde : celle de tenter de désigner quels seraient les acteurs particulièrement "bons" et qui mériteraient un "sceau de confiance" de la part de l'Etat.
Cette démarche d'identification et de "classification" est assez nouvelle. Rares ont été les interventions similaires de l'Etat dans des secteurs non dématérialisés.
Mais finalement, de quoi parlons-nous ? Quelles mesures peut-on viser ? Celles-ci sont multiples.
On peut citer pêle-mêle les éléments suivants :
- l'obligation d'identification issue de la Loi pour la confiance dans l'économie numérique pour les éditeurs professionnels et - de manière indirecte - pour les éditeurs non professionnels ;
- la volonté du ministère des PME d'avoir une identification claire des vendeurs professionnels sur l'internet et en particulier sur les plates-formes de mises en relation d'un acheteur et d'un vendeur (eBay, Priceminister) ;.
- le souhait du ministère de l'Intérieur et du ministère de la Famille d'avoir la création d'une marque de confiance des prestataires de services à l'internet qui participent à une démarche de "sécurisation de l'accès à l'internet" ;
- le souhait du ministère de la Culture d'avoir une identification plus forte des "vrais" journalistes sur l'internet afin de distinguer les informations publiées dans le respect d'une certaine déontologie et les autres (cet élément a été encore rappelé le vendredi 19 mai lors du discours du ministre de la Culture lors du colloque sur le marché de l'art) ;
- le souhait du ministère de la Culture, en matière de vente de biens culturels, "de revaloriser la signature, gage de l'authenticité, de la qualité et de la fiabilité des contenus et des services, préludes nécessaires à la confiance. Les mécanismes de labellisation peuvent en être une application concrète" ;
- la modification du règlement général de l'Autorité des marchés financiers afin d'imposer une identification claire et précise de toute personne diffusant une recommandation en matière d'investissement, en particulier pour les créateurs d'un site ;
Au delà des exemples, cette nouvelle démarche de l'Etat qui ne se fait plus régulateur des contenus, mais régulateur de la qualité des acteurs peut avoir des répercussions : celle de l'engagement de la responsabilité des pouvoirs publics en cas de confiance donnée dans un prestataire défaillant.
Par ailleurs, cette nouvelle forme d'intervention publique adopte également une nouvelle modalité régulatoire : le contrat. J'indiquerai récemment que j'avais eu l'occasion de faire toute une intervention autour du développement du contrat sur l'internet.
En matière d'intervention publique, cela prend une importance particulière : le contrat avec les pouvoirs publics est de plus en plus au centre de la vie des acteurs de l'internet. Le mécanisme de la charte d'engagements est ainsi mieux adapté à l'internet : c'est un outil souple, qui peut évoluer aisément en fonction des mutations technologiques et qui finalement constitue un accord entre l'ensemble des acteurs signataires et non pas un texte imposé "du haut". Ces contrats prennent une place d'autant plus importante qu'ils sont présentés non pas comme complémentaires à la loi, mais comme alternatifs à celle-ci.
On peut ainsi citer comme exemples :
- Charte des prestataires de services d’hébergement en ligne et d’accès à Internet en matière de lutte contre certains contenus spécifiques (14 juin 2004) ;
- Charte d’engagements pour le développement de l'offre légale de musique en ligne, le respect de la propriété intellectuelle et la lutte contre la piraterie numérique (28 juillet 2004) ;
- Charte sur la vidéo à la demande (décembre 2005) ;
- Charte d’engagement des opérateurs sur le contenu multimédia mobile (10 janvier 2006) ;
- Future charte du ministère des PME sur la déontologie des acteurs du commerce sur l'internet, etc...
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