samedi 16 avril 2005

Le cyber-marchand tenu d'accepter le liquide ?

Récemment, par un jugement de la juridiction de proximité de Boulogne-Billancourt (en date du 10 mars 2005, prochainement disponible sur Juriscom.net), le magistrat faisait "sauter" des PV de stationnement au motif que la politique en matière d'horodateurs ne respectait pas l'article R.642-3 du Code pénal qui pénalise "le fait de refuser de recevoir des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France selon la valeur pour laquelle ils ont cours". Ces derniers n'acceptaient que la carte Moneo.

Il est évident qu'on peut s'interroger sur la transposition de ce principe au cyber-marchand, et ce pas a été franchi par Cédric Manara dans une actualité récemment publiée sur Juriscom.net ("Achat sur un site marchand : les 'deux sous' de la jurisprudence 'horodateurs'" - noter l'excellent jeu de mots !).

Plus sérieusement, la question est très bien abordée par l'auteur. Il s'agit effectivement d'un problème théorique, les acheteurs étant plus enclin à payer "en ligne" qu'à se déplacer dans les locaux du cyber-marchands. Mais une telle situation (qui a déjà eu lieu comme le rappelle Cédric) pourrait être admise.

Mais, un élément supplémentaire vient à l'instant d'émerger dans ma petite tête ! Comme le rappelle Cédric, le paiement en "numéraire" nécessite un "tête à tête". Seulement, ne peut-on pas imaginer un consommateur qui décide d'envoyer par la Poste le montant de sa commande en liquide ?

Mais c'est interdit me direz-vous ? Après quelques recherches, j'ai réussi à retrouver l'article R.3 du Code des postes et communications électroniques. Il fixe deux principes :

1/ L'insertion de billets de banque français ou étrangers ou d'autres valeurs au porteur dans les envois ordinaires ou simplement recommandés est une contravention de 5ème classe : il existe néanmoins une exception : "La peine ne sera pas encourue lorsque l'insertion de tels billets et valeurs dans les lettres recommandées n'excède pas le montant maximum de l'indemnité accordée, en cas de perte, en fonction du taux de garantie choisi par l'expéditeur au moment de l'envoi".

2/ L'insertion de pièces de monnaie françaises ou étrangères ayant cours légal dans tout envoi autre qu'une lettre ou boîte avec valeur déclarée est une contravention de 5ème classe.

J'ai volontairement souligné le autre. En théorie toujours, on pourrait voir un internaute envoyer en pièces de monnaie dans un courrier avec valeur déclarée le paiement de sa commande .. et ceci en toute légalité.

3 commentaires:

Benoit Tabaka a dit…

Complément utile, le jugement vient d'être mis en ligne sur Juriscom.net à l'URL suivante :
http://www.juriscom.net/jpt/visu.php?ID=674

CM a dit…

Merci Benoît !
A noter aussi que la question des modes de paiement sur internet a connu une autre illustration ce mois-ci, avec le jugement du 5 avril considérant comme abusives plusieurs clauses d'un contrat d'accès à internet dont celle-ci :
"Attendu que l'article 4.1 relatif aux modalités de paiement prévoit comme seul moyen de paiement le prélèvement automatique mensuel pour lequel il est demandé à l'abonné de fournir divers renseignements ; que cet article qui impose au consommateur un mode de paiement unique et crée un déséquilibre à son détriment en cas de litige avec le professionnel qui ne permet pas d'opposer utilement à celui-ci en cas de défaillance de sa part l'exception d'inexécution ; que cette clause qui présente un caractère abusif doit être supprimée"

Benoit Tabaka a dit…

Merci à toi Cédric de nourrir mon blog de tes commentaires :)

Pour revenir à cette question, le jugement du TGI de Paris est intéressant.

En matière de prestation de service, on peut comprendre qu'une clause imposant un mode de paiement "automatique" pourrait géner le consommateur souhaitant exercer son exception d'inexécution.

La solution prise par le juge pourrait quand même être critiquée sur ce point : contrairement à un paiement par CB (dont l'opposition est fortement encadrée), le prélèvement automatique peut toujours être contesté et retiré en s'adressant à sa banque.

En cas d'inexécution, le consommateur pourrait donc - en matière de prélèvement - y faire opposition auprès de sa banque et donc pouvoir "s'opposer utilement en cas de défaillance" du prestataire. Cela devient moins facile en matière de paiement récurrent par CB.

En matière d'achat de biens matériels, la question se pose moins. Je ne sais pas - dès lors que nous sommes dans un mode de paiement "one shot" - si le fait d'imposer un mode de paiement "automatique" pourrait être jugé abusif (au sens du Code de la consommation) : en effet, en la matière l'exception d'inexécution joue moins. Le consommateur devra bien souvent s'acquitter de sa commande pour l'obtenir ! :)