La communication par Philippe Stoffel-Munck d'un article qu'il a rédigé au sein de la Semaine Juridique ("L'encadrement de la tacite reconduction dans les contrats de consommation depuis la loi Chatel", JCP 2005, I, 129 ; n° 14 - 6 avril 2005) m'amène à réaborder différentes problématiques touchant à la reconduction tacite des contrats.
Dans cet article - qui, il faut l'avouer, a bousculé le milieu de l'internet - Philippe Stoffel-Munck détaille de manière très précise le nouveau régime institué par la loi du 28 janvier 2005 et en particulier sa juxtaposition avec notamment le régime de la vente à distance. Revenons sur certains points.
Point de départ du délai d'information
La loi impose un délai d'information du consommateur (sur le fait que le contrat arrive dans sa période de reconduction) de 1 à 3 mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, c'est avant ce que l'auteur appelle "la période de non-retour" (par ex. respect d'un préavis de x mois pour notifier le refus de reconduction). Le risque évoqué par l'auteur est de voir des professionnels imposer des périodes de non-retour relativement longue (par exemple 6 mois pour un contrat de 12 mois) avec le risque évident que le consommateur oublie ou ne souhaite pas faire les démarches pour rompre son contrat dans X mois et ceci quelques semaines après le début de son exécution.
A ce titre, l'auteur rappelle utilement la recommandation de la Commission des clauses abusives qui avait considéré comme abusive la clause ayant pour objet ou pour effet "de contraindre le consommateur, pour éviter la prorogation ou la reconduction tacite d’un contrat à durée déterminée, à notifier son intention au professionnel à une date trop éloignée de l’arrivée du terme convenu".
Néanmoins et compte tenu du nouvel équilibre posé par la loi Chatel en matière de reconduction tacite des contrats, on peut s'interroger sur la pérennité de cette solution. La Commission avait sanctionné cette clause au motif que le consommateur ne pouvait pas imaginer nécessaire d'exercer son opposition à la reconduction quelques semaines après le début du contrat (ou plusieurs mois avant son terme). Avec une information préalable du particulier, on pourrait considérer qu'une telle durée n'est plus excessive, le consommateur étant alors placé devant ses responsabilités.
Juxtaposition loi Chatel / Code de la consommation
Autre élément relevé dans cet article (vraiment passionnant !), c'est l'applicabilité du droit de rétractation prévu en matière de contrats de vente à distance. Pour Philippe Stoffel-Munck, plusieurs arguments plaident en faveur d'une application de ce droit de rétraction :
- la reconduction tacite fait naître un nouveau contrat ;
- ce nouveau contrat est conclu sans la présence physique des parties - et au demeurant, en utilisant strictement un moyen de communication à distance puisque les seuls actes relatifs à la conclusion du contrat sont les modalités d'information prévues par la loi Chatel (et qui sont envoyées par courrier papier, courriel, SMS, etc.).
Ainsi (et pour rajouter un élément à cet article), le professionnel serait tenu, lors de la reconduction, d'informer le consommateur de l'existence d'un droit de rétraction (et des modalités d'exercice) - à défaut le délai de dédit serait porté de 7 à 90 jours.
Un argument contraire pourrait être invoqué puisque les contrats touchent principalement à une prestation de service. L'article L. 121-20-2 précise que ce droit ne s'exerce pas pour les contrats "de fourniture de services dont l'exécution a commencé, avec l'accord du consommateur, avant la fin du délai de sept jours francs".
On pourrait estimer que si le contrat se poursuit après la date de reconduction, celui-ci est exécuté avec l'accord du consommateur. Pour Philippe Stoffel-Munck, cet argument n'est pas suffisant : "il est douteux que le consommateur qui entend s'opposer à la reconduction mais qui a manqué sa fenêtre de dénonciation, ait donné son "accord" à l'exécution immédiate du nouveau contrat".
Sur ce point - et pour en avoir discuté récemment - les interprétations divergent : l'accord du consommateur doit-il se matérialiser par un accord "explicite" ou la simple consommation du service suffit-il ? Ainsi, un consommateur qui continue d'accéder à l'internet, qui continue de recevoir ou d'émettre des appels passé la date de reconduction doit-il être considéré comme ayant donné son accord à l'exécution du nouveau contrat ? Si la réponse est positive, l'impact de la reconnaissance d'un droit de rétractation en sera diminué.
Cet article semble aussi me confirmer dans mon interprétation de la juxtaposition de cette loi Chatel avec les dispositions du Code civil (en matière de formalisme imposé pour les contrats conclus par voie électronique). Dès lors que le nouveau contrat peut être considéré comme conclu en ligne (par exemple si l'information a été reçue par courriel ou par une information sur la page d'accueil du FAI), celui-ci ne devrait-il pas obéir au formalisme imposé en la matière (le fameux double clic) ? En clair, peut-il encore y avoir "reconduction tacite" d'un contrat reconduit en ligne ? La réponse semble négative.
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