Cette interrogation, née à partir d'une phrase d'Henri Queuille (ancien Président du Conseil de la IVe République), a émergé voici quelques jours suite à une lecture d'un article publié sur Juriscom.net. Cédric Manara y nous comptait une nouvelle histoire judiciaire, celle annonçant le glissement du commerce amoureux vers le commerce électronique. Il s'appuyait à cette fin sur diverses décisions rendues ou actions engagées devant les juridictions américaines par quelques internautes éconduits.
L'une des premières référencées a naturellement retenu mon attention. Il s'agit du contentieux engagé par un internaute à l'encontre de Yahoo!, celui-ci accusant le moteur de recherche d'avoir créé de faux profils. Pour sa défense, l'annuaire de recherche se retranchait derrière la protection instituée par la Section 230 du Decency Communication Act qui bénéficie aux « hébergeurs ». Dans une première décision du 17 mars 2006, une juridiction californienne repoussait ce premier argument invoquant le fait que Yahoo ! était poursuivi non pas en sa qualité d'hébergeur de données, mais bien en sa qualité de créateur de (faux) contenus.
Cette question est intéressante notamment quand on fait le lien avec les autres acteurs des "petites annonces" comme eBay pour lequel le bénéfice du régime de responsabilité aménagé des hébergeurs a été reconnu par plusieurs juridictions, notamment françaises, mais pour les seuls contenus dont ils ne sont pas à l'origine.
Autre aspect relevé, judicieusement, par Cédric : le fait que ces sites de rencontres bâtissent leur succès sur des "promesses de relations" qui "juridiquement (…) ne sont pas neutres".
Sur ce point, une décision de la Cour de cassation – passée inaperçue dans notre secteur de l'internet même si elle peut avoir quelques répercussions – a pu apporter des précisions intéressantes. Plongeons nous dans les faits !
Un particulier, suite à une annonce alléchante parue dans La Centrale, décidait d'acquérir un véhicule auprès d'un autre particulier, « une particulière » en l'espèce. Seulement, la tromperie se trouvait au bout de cette rencontre et de ce contrat : le véhicule s'était avéré totalement inutilisable. Or, la Centrale l'avait convaincu, elle lui avait fait miroiter le bonheur, la chance, une protection et plus exactement un contrôle systématique du véhicule.
Résultat, face à cette déception quasi-amoureuse, le particulier saisit la justice et engage la responsabilité civile du journal. La Cour de cassation tranche le litige le 10 juin 2004 et estime que les juges du fond doivent retenir la responsabilité, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, d'un diffuseur qui s'engager à "exclure les annonces concernant des véhicules anciens ou gravement accidentés et à ne pas laisser paraître d'annonces comportant des mentions erronées".
La Cour de cassation estimait que cette responsabilité devait être retenue dès lors que le diffuseur avait commis une faute, celle d'avoir "par le biais d'une "charte" laissé croire en l'efficience des contrôles auxquels il s'engageait et ainsi concouru au dommage causé à l'acquéreur lésé par la publication d'une annonce comportant des mentions erronées sur le nombre des immatriculations du véhicule proposé, qui avait été gravement accidenté".
Si une telle responsabilité a été retenue sur le terrain contractuel (en l'espèce, le lecteur de la Centrale n'est pas contractuellement lié audit journal), elle pourrait a fortiori plus facilement être appliquée par le juge en matière contractuelle (cas des sites de rencontres ou de petites annonces) dès lors que cela pourrait constituer un élément essentiel du contrat, ayant fondé le choix du cocontractant. Et ceci sans compter l'application du régime de responsabilité de plein droit à ces acteurs du commerce électronique ! Une quasi-obligation de résultat leur est donc imposée.
Comme quoi, il faut toujours se méfier de ces bonnes promesses …même si "comme la croûte des pâtés, les promesses sont faites pour être rompues" (Jonathan Swift)
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