Le litige provient de la publication le 11 avril 2006 d'un communiqué de presse sur le site de la Française des jeux dans lequel la société indique que "son site n’est accessible qu’aux résidents français, ayant plus de 18 ans, que la mise hebdomadaire y est limitée (500 euros) et que les gros gains de ses joueurs sont directement versés sur leurs comptes bancaires et non sur un compte joueur".
Le Syndicat des casinos modernes de France saisit la justice en invoquant l'existence d'un trouble manifestement illicite qui "résulterait de la concurrence déloyale liée à la publicité mensongère qui entacherait ce communiqué en ce qu'il indique que «le site (de la SA FRANCAISE DES JEUX) n'est accessible qu'aux résidents français ayant plus de dix-huit ans », alors qu'en fait les mineurs peuvent le consulter".
Dans son ordonnance, les juges repoussent cet argument. Le tribunal indique qu'il est constant que les mineurs peuvent consulter le site mais qu'il leur est impossible de participer aux jeux qui y sont décrits. Ainsi,
Le communiqué du 11 avril 2006 diffusé sur internet constitue à l'évidence un acte de publicité. Sa formulation est ambiguë dans la mesure où le lecteur peut se méprendre sur l'étendue de l'accessibilité au site, puisqu'il peut croire que seuls les majeurs peuvent le consulter et participer aux jeux, alors qu'en réalité les mineurs peuvent, eux aussi, consulter le site, même s'ils ne peuvent pas prendre part aux jeux.
Dès lors, l'erreur provoquée par cette ambiguïté porte seulement sur l'accès au site et non sur l'accès aux prestations offertes sur le site par la SA FRANCAISE DES JEUX puisqu'il est certain que seuls les majeurs peuvent participer aux jeux.
Il s'ensuit que la publicité mensongère ci-dessus visée ne tombe pas sous le coup des dispositions de l'article L 121-1 du code de la consommation à défaut d'affecter l'un quelconque des éléments caractéristiques de la prestation visés par le texte et, en particulier ses « conditions d'utilisation ».
Néanmoins, le Syndicat des casinos modernes de France ne s'arrête pas là. Il relève que le décret n° 2006-174 du 17 février 2006 impose dorénavant à la Française des jeux (tout comme au PMU) de "veiller à ne pas inciter les mineurs de moins de 16 ans à jouer".
Or, pour les magistrats, "il est clair que le site internet (...) a notamment pour objet d'inciter le lecteur à jouer. Et puisqu'il est accessible aux mineurs de moins de 16 ans, il les incite à jouer au mépris des dispositions de ce texte".
En conséquence, le tribunal de commerce relève que "l'ouverture illicite du site aux mineurs constitue un trouble manifestement illicite à l'égard du Syndicat dans la mesure où les amateurs de jeux de hasard lisant le communiqué du 11 avril 2006 peuvent être leurrés sur la régularité du comportement de la Française des jeux vis-à-vis des mineurs et, en conséquence, privilégier l'offre de cette dernière".
Les juges ordonnent donc à la Française des Jeux de cesser la diffusion du communiqué de presse pendant un délai de 6 mois dans les 24 heures qui suivent la signification de l'ordonnance.
Si cette affaire n'aboutit qu'à la suppression d'un communiqué de presse, elle a également des conséquences plus profondes. L'ordonnance laisse entendre que le site de la Française des Jeux en lui-même incite les mineurs de moins de 16 ans à jouer. En conséquence, un mécanisme de contrôle d'accès (dont on connaît la difficulté de mise en oeuvre, au regard notamment de la jurisprudence existante dans le domaine des sites pornographiques) devrait être mis en place afin de limiter l'accès des mineurs à ces contenus. Indiquons également qu'il y a de fortes chances que cette obligation qui se dessine ait, à terme, vocation à s'appliquer à l'ensemble des sites internet de jeux et paris en ligne.
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