jeudi 21 août 2008

Le Gouvernement souhaite un encadrement spécifique de la publicité pour l'alcool sur l'internet

Interrogé par un parlementaire, la Ministre de la Santé a levé le voile sur les réflexions qui sont actuellement en cours en faveur d'un renforcement de l'encadrement de la publicité pour les boissons alcoolisées sur l'internet. Cette réflexion fait suite à deux décisions interdisant toute publicité pour de l'alcool sur l'internet, l'internet n'étant pas un support autorisé (voir en cela les commentaires réalisés par Cédric Manara en la matière).

Cette interdiction provient d'une lecture de l'article L. 3323-2 du Code de la santé publique qui fixe une liste limitative des supports autorisés pour la publicité en faveur des boissons alcooliques, sur laquelle ne figure pas internet.

Cet article dispose ainsi que :
La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons
alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites
sont autorisées exclusivement :
1° Dans la presse écrite à l'exclusion des publications destinées à la jeunesse, définies au premier alinéa de l'article 1er de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ;
2° Par voie de radiodiffusion sonore pour les catégories de radios et dans les tranches horaires déterminées par décret en Conseil d'Etat ;
3° Sous forme d'affiches et d'enseignes ; sous forme d'affichettes et d'objets à l'intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ;
4° Sous forme d'envoi par les producteurs, les fabricants, les importateurs, les
négociants, les concessionnaires ou les entrepositaires, de messages, de
circulaires commerciales, de catalogues et de brochures, dès lors que ces documents ne comportent que les mentions prévues à l'article L. 3323-4 et les conditions de vente des produits qu'ils proposent ;
5° Par inscription sur les véhicules utilisés pour les opérations normales de livraison des boissons, dès lors que cette inscription ne comporte que la désignation des produits ainsi que le nom et l'adresse du fabricant, des agents ou dépositaires, à l'exclusion de toute autre indication ;
6° En faveur des fêtes et foires traditionnelles consacrées à des boissons alcooliques locales et à l'intérieur de celles-ci, dans des conditions définies par décret ;
7° En faveur des musées, universités, confréries ou stages d'initiation oenologique à caractère traditionnel ainsi qu'en faveur de présentations et de dégustations, dans des conditions définies par décret ;
8° Sous forme d'offre, à titre gratuit ou onéreux, d'objets strictement réservés à la consommation de boissons contenant de l'alcool, marqués à leurs noms, par les producteurs et les fabricants de ces boissons, à l'occasion de la vente directe de leurs produits aux consommateurs et aux distributeurs ou à l'occasion de la visite touristique des lieux de fabrication.
Toute opération de parrainage est interdite lorsqu'elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques.



Le Conseil d'Etat, dans son rapport de 1998 sur Internet et les réseaux numériques, avait estimé à propos de cette disposition (qui figurait alors dans le Code des débits de boissons) que :
Il convient donc d'apprécier si une publicité sur Internet entre dans cette liste limitative des supports et des messages autorisés. Il ressort de l'examen des travaux parlementaires que le législateur souhaitait inclure dans cette liste les messages adressés par minitel ou par téléphone. Est-il dès lors possible d'assimiler Internet au minitel et de considérer que l'interdiction de la publicité en faveur de l'alcool, qui pour l'essentiel concerne la télévision, ne vaut pas pour les services en ligne ? Cette interprétation paraît raisonnable, mais gagnerait à une consécration législative levant tout doute. Internet ne constituant pas à proprement parler un support (...), il conviendrait d'inclure les messages en ligne dans la liste des messages sur l'alcool autorisés.


Répondant à cette analyse, le Tribunal de grande instance de Paris avait estimé que :
L’article L.3323-2 du Code de la Santé publique définit les supports autorisés exclusivement à diffuser la propagande ou la publicité en faveur des boissons alcooliques licites ; que l’énumération ne comprend pas la communication audiovisuelle(*), par messages électroniques ; que s’agissant de l’interprétation d’un texte que la technique rédactionnelle l’interdiction sauf les actions autorisées rend parfaitement clair, le recours à l’intention du législateur et à l’interprétation du Conseil d’Etat dans un rapport administratif, qui conclut cependant au mérite d’une consécration législative, n’est pas légitime et contraire au principe de sécurité juridique ; que l’interprétation littérale s’impose ; que cette interprétation est stricte s’agissant d’un texte d’incrimination pénale

Dans le cadre d'un plan de modernisation de la viticulture, le Gouvernement a annoncé "un groupe de travail entre les différentes parties, qui appréciera avant l'automne 2008 l'opportunité et la nécessité de faire évoluer le cadre dans lequel s'inscrit la publicité pour les boissons alcoolisées, au regard des nouveaux modes de communication (internet), dans le respect de nos objectifs de santé publique".


Selon les éléments communiqués au Parlementaire par la Ministre de la santé, "Ce groupe de travail, coordonné par les cabinets des ministères chargés de la santé et de l'agriculture, a pour mission d'élaborer des propositions à caractère technique, qui doivent être soumises au Gouvernement prochainement, afin d'actualiser le code de la santé publique, au regard d'un moyen de communication nouveau, internet, tout en respectant l'esprit de la loi Évin"

Néanmoins, "cette reconnaissance d'internet comme support autorisé doit ainsi s'accompagner de précautions particulières liées à l'utilisation massive de ce moyen de communication par les jeunes, population par ailleurs sensible aux pratiques d'alcoolisation ponctuelle massive". A ce titre, la ministre ajoute que "La crainte de majorer les conduites d'alcoolisation des jeunes en cas d'une libéralisation non encadrée de la publicité en faveur de l'alcool sur internet est en effet fondée".

(*) Sur la notion de "communication audiovisuelle" appliqué à l'internet, il est peut-être utile de relire ceci ;-)

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