Effet ricochet de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, les parlementaires examinent actuellement une modification du régime de responsabilité applicable aux services postaux, et plus exactement à la Poste. En pratique, la Poste est actuellement irresponsable pour tous les envois "non spéciaux" (recommandés, etc.). C'est à dire qu'en cas de perte ou avarie d'un colis, le cybermarchand (devenu responsable de plein droit) assume les coûts afférents à ces aléas du circuit postal.
C'est pourquoi, une modification de ce régime est actuellement envisagée dans le projet de loi sur la régulation postale (article 11). Adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, un amendement modifie l'article L. 7 du Code des postes et communications électroniques en prévoyant que "la responsabilité des entreprises fournissant des services postaux peut être engagée à raison des seuls envois pour lesquels une preuve de distribution ou de dépôt à la demande de l'expéditeur est prévue :
1° Pour les avaries causées à l'occasion du traitement de ces envois, si dans les trois jours, non compris les jours fériés qui suivent leur distribution, le destinataire ou le client a notifié sa protestation motivée à l'entreprise fournissant le service postal ;
2° Pour les dommages directs causés par la perte de ces envois, si une preuve de dépôt peut être produite et, dans le cas où une telle preuve serait produite, si l'entreprise accomplissant le service postal ne produit pas de preuve de distribution ;
3° Pour les dommages directs causés par le retard de ces envois, si l'entreprise fournissant des services postaux a souscrit un engagement en la matière".
En pratique, les députés souhaitent ouvrir légèrement la porte de l'irresponsabilité de la Poste en souhaitant soumettre toutes les entreprises postales au même régime de responsabilité. Celle-ci demeure néanmoins fortement encadrée compte tenu des conditions imposées.
En effet, le colis devra tout d'abord faire l'objet au moins d'un flashage afin d'avoir une preuve de dépôt ou de distribution. Un décret devrait être publié afin de déterminer les différents types de preuve admissible. Notamment, dans les relations entre particuliers, il sera sans doute utile qu'il tienne compte du recours de plus en plus systématique à la "lettre suivie".
Ensuite, on se rend compte qu'en cas d'avarie, l'engagement de la responsabilité est soumise à l'obligation pour le prestataire (ou le destinataire du colis) de notifier les dégâts au service postal dans les trois jours. Quid si cela n'a pas lieu : l'engagement de la responsabilité du transporteur par le vendeur ne sera pas possible. Dans ces conditions, un cyber-marchand risque d'être tenté d'insérer dans ses CGV une clause limitative de responsabilité précisant qu'en cas d'avarie, le cybermarchand est responsable que si l'avarie a été notifiée dans les trois jours au transporteur.
Une telle disposition nécessaire pour que le cybermarchand puisse faire valoir ses droits, risque de se prendre de plein fouet le principe de la responsabilité de plein droit retenu dans la LCEN.
Sans doute que le juge admettra - compte tenu du régime restrictif imposé par la loi de régulation postale - une telle exonération.
Concernant la perte du colis, le transporteur pourra se dégager de toute responsabilité s'il apporte la preuve qu'il a bien procédé à la livraison. Néanmoins, le texte n'indique pas ce qu'il faut entendre par livraison : est-ce une livraison au destinataire prévu ? En effet, une technique de fraude qui se développe est celui de la "réception sur le pallier". L'escroc attend le colis sur le pallier de la victime et se fait passer pour elle. Dans une telle situation, la livraison devra-t-elle être considérée comme effective ? Devra-t-on imposer aux sociétés de transport de procéder à une vérification d'identité ?
Enfin, une limite à cette "ouverture". Selon le texte, c'est un décret qui fixera le plafond d'indemnisation.
Au final, ce nouveau régime de responsabilité des industries postales soulève encore plus d'interrogations qu'il n'en résout. Il ne fait pas de doute que les cyber-marchands ne seront pas tous satisfaits de ces nouvelles dispositions encore en débat au moins jusqu'à l'été 2005.
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