mercredi 24 novembre 2010

Seul l'abus de pornographie peut justifier un licenciement

Les décisions de justice relative à l'usage par un salarié de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur commencent à être légion depuis quelques années ; la Cour de cassation ayant eu l'occasion à plusieurs reprises d'intervenir. La présence décision de la Cour d'appel de Rennes vient apporter quelques précisions sur la jurisprudence actuelle relative à cet usage de la part d'un salarié de la connexion internet mise à sa disposition.

En l'espèce, un salarié avait été embauché en qualité de responsable de bloc opératoire par une polyclinique de Quimper. Après quelques mois, il avait fait l'objet d'une mise à pied conservatoire suivie d'un licenciement pour faute grave. En l'espèce, l'employeur reprochait au salarié les faits suivants :
"Il résulte ainsi des procédures de vérification réalisées que vous avez utilisé, pendant votre temps de travail, le matériel informatique mise à disposition pour l'exécution de vos missions, pour consulter des sites à caractère pornographiques. Ces faits ont été reconnus par vous-mêmes".
En l'espèce, les juges relève que l'employeur a été avisé de ces connexions par l'intermédiaire "du système PareFeu dénommé GateProtect dont est équipé le réseau internet de la polyclinique, elle a réalisé des contrôles et fait procéder le 18 octobre 2007 à un constat d'huissier confirmant la réalité de ces connexions à partir du poste de travail du responsable du bloc, celui-ci étant identifié grâce à son adresse IP".

De son côté, le salarié tenta de remettre en cause la validité du constat d'huissier dressé par la polyclinique se plaignant d'une atteinte à la vie privée. Or, la Cour d'appel de Rennes rappelle un principe posé par la Cour de cassation selon lequel :
"les connexions établies par un salarié sur des sites Internet pendant son temps de travail grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur sont présumées avoir un caractère professionnel ce qui permet à l'employeur de les rechercher hors la présence du salarié. L'appelant ne peut en conséquence se prévaloir d'une atteinte à sa vie privée rendant ainsi illicites les contrôles effectués par l'employeur".
Ensuite, le salarié a indiqué qu'il n'était pas l'auteur de ces connexions - un sujet proche de celui débattu dans le cadre de l'application de notre fameuse loi hadopi. Ici, la Cour d'appel écarte cet aspect :

"Toutefois, Monsieur X conteste être l'auteur de ces connexions soulignant que son ordinateur n'était pas protégé et avait pu être utilisé par quiconque en raison de l'accessibilité de son bureau. Si la mention apposée par l'huissier de justice dans le procès-verbal du constat du 26 novembre 2007 (à la demande de l'employeur, l'huissier de justice a accompagné celui-ci pour la notification de la mise à pied conservatoire et mis sous scellés l'ordinateur emporté par lui) selon laquelle Monsieur X  aurait reconnu s'être parfois connecté via des liens de messagerie sur les sites pornographiques ne peut être retenue comme un aveu de celui-ci, notamment dans la mesure où l'huissier de justice n'a pas retranscrit les paroles exactes tenues par l'intéressé, il n'en demeure pas moins que la position du salarié n'est aucunement crédible puisqu'elle suppose l'utilisation de son ordinateur dans son bureau par une autre personne laquelle pouvait à l'évidence être surprise à tout moment par son retour. De plus, cette thèse est contredite par le fait que le 14 octobre 2007, aucune connexion n'a eu lieu alors que Monsieur X était absent".


Pour la Cour d'appel, il est donc "indiscutable que l'auteur des connexions sur les sites phonographique est bien Monsieur X". [oui, vous avez bien lu "phonographique" car la Cour d'appel a fait une jolie coquille]

Seulement, après avoir identifié l'auteur des faits, la Cour d'appel de Rennes poursuit son raisonnement et notamment soulève que le salarié "relève à juste titre que seul un usage abusif et à des fins personnelles du matériel informatique affectant le travail du salarié peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement". Ainsi, pour les juges, la sanction ne peut se justifier uniquement s'il y a eu abus dans l'usage de l'outil informatique mis à la disposition du salarié, abus qui a pu être source de dysfonctionnements.

Dans la présente affaire, l'employeur soulevait que "les connexions sur des sites pornographiques dont il est reconnu qu'ils n'avaient pas de caractère pédophile et en conséquence délictueux étaient fréquentes, la lettre de licenciement se réfère uniquement à l'utilisation du matériel informatique sans faire état de son caractère excessif affectant le travail du salarié et ce, même si l'employeur mentionne que 'cette situation confirme les nombreuses carences relevées dans l'exécution de son travail'" le salarié.

Or, la Cour d'appel relève que les exemples de dysfonctionnements qui seraient la conséquence de cet usage de l'outil informatique ne sont pas démontrés par l'employeur. En conséquence, "le licenciement de Monsieur X n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse de licenciement". Le salarié s'est donc vu attribuer 20.000 euros de dommages et intérêts.

Source : CA Rennes, 07/10/2010, X c/ Polyclinique Quimper Sud SAS, inédit

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