mardi 23 novembre 2010

Est-ce que la Justice "like" Facebook ?

L'affaire Facebook (enfin, celle concernant les salariés sanctionnés par le Conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt) peut être l'occasion de faire un (tout) petit panorama de quelques rencontres entre la justice et le fameux réseau social.

Tout d'abord, sur la qualification juridique de Facebook, le Tribunal de grande instance de Paris a estimé que le site "n'est pas l'éditeur des contenus publiés mais un prestataire technique dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne" (TGI Paris, référé, 13/04/2010, X c/ Société Facebook France, legalis). Facebook bénéficie donc du régime de responsabilité aménagée de l'hébergeur et, aussi, est soumis aux obligations de l'hébergeur notamment en matière de conservation des données de connexion.

Sur l'usage, on se rend compte actuellement que Facebook est principalement utilisé dans les contentieux qui ont trait au droit de la famille. Cela peut se comprendre aisément. En raison de la diffusion, par les internautes eux mêmes, d'éléments privés, ceux-ci peuvent se retrouver être utilisés dans le cas de certains litiges.

Quelques exemples :
Nourrir un dossier contentieux : "Monsieur X demande le retrait de la pièce n° 34 communiquée par l'intimée au motif que cette pièce a été obtenue par fraude, l'accès au profil d'un utilisateur sur le site Facebook étant limité aux personnes amies. Madame Y soutient la régularité de cette communication au motif que cette pièce a été communiquée à Madame Y par une amie, elle-même amie de Monsieur X qui a de ce fait eu accès au profil de Monsieur X. La pièce n° 34 a été remise à Madame Y par Z, ainsi que cette dernière l'atteste ; celle-ci expose avoir eu accès aux pages du profil sur facebook de Monsieur X grâce à l'autorisation donnée par ce dernier, dont elle est aussi l'amie. En conséquence, cette pièce ne sera pas rejetée des débats, la fraude n'étant pas établie" (CA Paris, 18/06/2009, X c/ Y, inédit)
Démontrer un lieu de résidence : "Monsieur A. déclare ne pas travailler en Thaliande ; cependant Madame B. communique la page facebook de Monsieur A. sur laquelle il présente sa compagne et son enfant, indiquant « papa part travailler », ce en date du 26/11/2009. Cet élément contredit les affirmations de celui-ci, qui ne pourront de ce fait être retenues" (CA Paris, 23/09/2010, A c/ B, inédit)
Démontrer qu'un enfant travaille pour obtenir la suppression de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant : "Il verse enfin aux débats une conversation sur Facebook, aux termes de laquelle sa fille reconnaît travailler à temps partiel" (CA Rouen, 27/05/2010, A c/ B, inédit)
Tenter de démontrer l'absence de surveillance d'un mineur par un parent en ayant la garde : "Il sera d'abord observé que les allégations du père relatives aux contacts « Facebook » de M., outre qu'elles n'ont pas de rapport direct avec l'exercice de son droit d'accueil, ne présentent pas, au vu des impressions de pages versées aux débats, le caractère douteux ou dangereux qu'il affirme, ces contacts étant limités à des relations telles que peut en entretenir une fille de cet âge dans un cercle relativement réduit d'amis et de relations proches." (CA Rouen, 24/06/2010, A c/ B, inédit)
Dans le domaine du droit du travail aussi. Le Conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt est un exemple de la possibilité pour un salarié de se voir opposé, dans le cadre d'une sanction, des contenus diffusés sur Facebook. Avant ce jugement, la Cour d'appel de Reims avait été amenée à statuer sur le cas d'un journaliste sanctionné pour avoir critiqué sa direction sur le mur d'une de ses collègues, sanction finalement annulée par la juridiction (CA Reims, 09/06/2010, SAS L'Est Eclair c/ A, inédit).
Démontrer que l'attestation fournie dans un contentieux social est sujette à caution : "l'autre de A, stagiaire au service marketing de janvier à juillet 2007 et dont les liens d'amitié avec l'appelante sont établis par la consultation du site internet Facebook (...) Que ces attestations, dont l'impartialité est sujette à caution ..." (CA Lyon, 22/06/2010, A c/ SARL Dombes Viande, inédit)

Sujet proche de celui rencontré dans le domaine du travail, des contenus diffusés sur Facebook ont pu également être utilisés pour justifier une sanction dans le monde associatif, en l'espèce la suspension d'un membre de l'Association internationale des interprètes de conférence. En effet, l'association reprochait à un de ses membres "d'avoir publié en ligne via le support Facebook, le récit de sa mission d'interprétariat auprès du Président de la République lors de sa visite officielle au Brésil des 22 et 23 décembre 2008" et "l'informait de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre, en joignant les pages Facebook litigieuses dans lesquelles il a mentionné sa qualité de membre (...) et aurait tenu des propos qualifiés de choquants". (TGI Paris, référé, 13/10/2009, X c/ Association Internationale des Interprètes de Conférence, inédit)

A titre complémentaire, on peut également citer ce jugement du TGI de Paris où les juges sanctionnent sur le terrain du droit à l'image, la diffusion sur diverses pages Facebook de diverses images d'une personne qui n'avait pas donné un consentement à cette diffusion. Les juges estimant qu'en "mettant en ligne sans son consentement les photographies sus-répertoriées, A a porté atteinte aux droits dont la demanderesse disposait non seulement sur son image mais aussi sur sa vie privée, les conditions dans lesquelles les clichés ont été pris mettant notamment en évidence l'ensemble des tatouages qu'elle a sur le corps et plus particulièrement dans les parties de celui-ci qui sont normalement cachées par les vêtements". Ils allouent 10.000 euros de dommages et intérêts. (TGI Paris, 17e Ch., 09/12/2009, A c/ B, inédit)

1 commentaire:

grossiste a dit…

Sympa le titre de l'article !