mardi 19 juillet 2011

Projet de loi consommation : (II) Le contrat de transport et le consommateur

Lors de l'examen par la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, deux mesures ont été adoptées par celle à propos du fameux contrat de transport.

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Source : the|G|tm sur flickr (CC)

Cette problématique avait pu rejaillir lors de l'affaire dite CAMIF. Tentons de résumer la situation : des consommateurs achètent des produits à la CAMIF. La CAMIF les expédie mais fait faillite avant la livraison des produits. Des transporteurs de la CAMIF ont donc demandé aux consommateurs de s'acquitter du montant du transport (non payé par la CAMIF, mais déjà payé par les consommateur à la CAMIF au titre des frais de port) s'ils voulaient obtenir les produits. Il s'agit de ce que l'on appelle "l'action directe du voiturier" et aboutissait pour le consommateur à un double paiement des frais de port.

Le projet de texte souhaite corriger cela.

L'article 8-V prévoit ceci :
« Par dérogation à l’article L. 132-8 du code de commerce, l’action directe en paiement du voiturier ne peut être exercée à l’encontre du consommateur lorsque le transport de marchandises est consécutif à un contrat de vente à distance mentionné à l’article L. 121-16 du présent code. »
Et l'article 8-VI ajoute cela :
« Art. L. 121-97. – Lorsque le consommateur prend personnellement livraison des objets transportés et lorsque le voiturier ne justifie pas lui avoir laissé la possibilité de vérifier effectivement leur bon état, le délai mentionné à l’article L. 133-3 du code de commerce est porté à dix jours. »
Seulement, les modifications ainsi proposées me paraîssent disproportionnées et surtout dangereuses. Pourquoi ? Car, in fine, la loi est en train de dire cela : certains articles du Code du commerce sur le contrat de transport (enfin, la lettre de transport) ne s'appliquent pas aux relations entre un consommateur un professionnel. Mais clairement, heureusement ! Les dispositions du Code de commerce ont été créées exclusivement pour encadrer des relations entre commerçants, entre professionnels. C'est parce que le commerce électronique s'est démocratisé et a pris une telle dimension que le transport des colis ne s'opère plus par l'intermédiaire des transporteurs postaux classiques, mais aussi par l'intermédiaire des transporteurs classiques, ceux relevant du Code du commerce.

Dans ces conditions, les transporteurs - habitués à leur cadre juridique pour des relations BtoB - l'ont tout simplement transposé à l'ensemble des relations commerciales, y compris celles où le destinataire est un consommateur. Ainsi, sans doute que la loi, au lieu d'exclure certaines dispositions, devrait plutôt clairement affirmer que ces articles du Code du commerce n'ont pas vocation à s'appliquer à des consommateurs. Et point final.

Cela permettrait notamment d'éviter tout risque de contrariété. Prenons un exemple. Afin de pouvoir engager la responsabilité d'un transporteur, il faut absolument, en application de l'article L.133-3 du Code de commerce, que le destinataire ait émis des réserves par lettre recommandée dans un délai de 3 jours à compter de la réception des produits. A défaut, l'expéditeur ne pourra pas engager la responsabilité du transporteur. Ici, le projet de texte propose de porter ce délai à 10 jours quand le contrat de transport fait intervenir un consommateur comme destinataire.

Tout d'abord, comment le transporteur saura que le destinataire est un consommateur ? A partir de l'adresse de livraison ? Est-ce à dire qu'il faudra pour le marchand proscrire toutes les livraisons sur le lieu de travail afin de ne pas risquer de voir le destinataire être requalifié de professionnel ?
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Source : Solo sur flickr (cc)

Et au-delà de ces considérations, il convient de rappeler que ce texte régit les relations contractuelles entre l'expéditeur de la marchandise et le transporteur. En aucun cas, il n'a vocation à interagir sur un consommateur qui lui bénéficie d'un cadre protecteur (garantie de conformité, responsabilité de plein droit).

Prenons un autre exemple : un produit arrive endommagé. Si le professionnel veut se faire indemniser par le transporteur, le consommateur doit alors émettre des réserves dans un délai de 3 jours. Telle est la règle de la lettre de transport. Mais en parallèle, en application du Code de la consommation et de son article L. 121-20-3, le professionnel est tenu de procéder soit au remboursement, soit à une livraison "parfaite" et ceci à ses frais et tout cela indépendamment de l'émission de réserves par le consommateur.

Il serait sans doute préférable d'aménager le régime de la lettre de transport en faveur d'une meilleure protection de l'expéditeur lorsque le destinataire est un consommateur. Pourquoi ? Par pur réalisme pragmatique. Si le professionnel ne peut être indemnisé par son transporteur qu'à condition que le destinataire ait émis des réserves, il y a de fortes chances que le professionnel (notamment le petit) exige de son consommateur l'émission de telles réserves pour procéder à une nouvelle livraison ou un remboursement. Or, une telle exigence n'est pas une condition, aujourd'hui reconnue par la loi ou la jurisprudence, pour déclencher l'indemnisation du consommateur.

Et dans les faits, si le consommateur ne fait pas les réserves ? Certains professionnels ne voudront pas prendre en charge le dommage arguant d'une faute du consommateur.

C'est donc plutôt au niveau de l'applicabilité de ces dispositions du Code de commerce aux contrats de transport mettant en jeu des consommateurs qu'il conviendrait de travailler plutôt que de construire un cadre juridique bancal en voulant maintenir dans le champ du BtoB des consommateurs qui, par la force des usages, s'y sont retrouvés.

(à suivre ...)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Votre article est très intéressant. Toutefois, il me semble erroné sur un point : l'article L.133-3 du Code de commerce s'applique bien aux consommateurs (ce qui est regrettable, je partage votre avis sur ce point!). Pour preuve, le TGI de PARIS (jurisprudence dite Père Noël du 4 février 2003)a considéré que la clause imposant au consommateur de vérifier immédiatement la conformité du produit à la commande était abusive car contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L.133-3 du Code de commerce qui lui permet d'adresser des protestations dans un délai de 3 jours...