Une révolution, ça se vit. J’ai donc pris mes affaires et je suis allé observer et essayer de comprendre la #frenchrevolution qui se déroulait à Paris et notamment ses fondements, ses aspirations et ses demandes.
Comment est née la #frenchrevolution ?
Une révolution ça a besoin de symboles. Le premier qui a été choisi a été l’Ambassade de l’Espagne, rapidement abandonné au profit de la Place de la Bastille. Dès le 20 mai, c’est à cet endroit que des groupes d’espagnols appellent à se rassembler. Ils voyaient sur les écrans de leurs TV un mouvement prendre forme dans leur pays. A les entendre, c’est ensuite au plus profond d’eux qu’est né ce besoin de s’associer, de se rassembler également. Ils voulaient aussi en être, y être. Ils voulaient eux aussi exprimer leur soutien à leurs compatriotes et être solidaire des difficultés qu’ils rencontraient. A partir du 20 mai, un groupe d’une cinquantaine de personnes, principalement d’origine espagnole, commencent à occuper les marches de la Place de la Bastille. Des étudiants, des demandeurs d’emplois mais aussi des jeunes mères de famille, sortes de Louise Michel des temps modernes. De nombreuses pancartes commencent à naître. Un mélange de français et d’espagnol. Des discussions animées, des débats sans fin, souvent longtemps pendant la nuit. Paris es Sol était né.
Auteur : asynrix
On est loin de la révolte et même de la révolution. Il s’agit plutôt d’un mouvement de revendication démocratique qui tente de s’organiser afin de faire entendre leur voix. Dès le début, celui-ci se structure en de nombreuses commissions destinées à organiser le mouvement (communication, logistique, Actions) qu’à établir les revendications, propositions et les attentes spécifiques du mouvement français. Des assemblées générales, dites assemblées populaires se tiennent, avec un seul mot d’ordre pour l’adoption des propositions : le consensus. Les commissions, dans un premier temps, et ensuite tout participant peuvent présenter une idée. Après l’avoir exposé, l’assemblée la vote. Dans le silence. Les mains dans le ciel signifient un accord. Les bras croisés, une opposition. Si une opposition voit le jour, l’opposant peut alors prendre le micro. La proposition est alors reformulée pour trouver un consensus ou à défaut, sera confiée à une commission qui la travaillera jusqu’à l’assemblée suivante.
Ce principe démocratique n’est pas sans faille. Sur de nombreux sujets, la recherche d’un consensus est difficile. En effet, si le mouvement se présente comme apartisan ou asyndical, il n’en reste pas moins que rapidement des membres de partis politiques (NPA, Front de gauche, Europe Ecologie, etc.), de mouvements (Jeudi noir, etc.) voire de groupuscules divers et variés, dont certains conspirationistes, s’y sont retrouvés. Le micro étant ouvert à tous, chaque assemblée est l’occasion pour ceux-ci d’exprimer leurs idées, leurs opinions voire de les faire endosser par, ceux que l’on appelle désormais, les Indignés. Résultat, les propositions ont du mal à s’élaborer et à faire le grand écart entre les attentes de citoyens et les positions de partisans.
Au-delà des questions de fond, le mouvement français a, en ligne de mire, les mêmes critiques que l’ensemble des autres mouvements européens. L’envie et le besoin pour le citoyen de reprendre une place dans le débat démocratique. Nombre de revendications entendues consistent en une contestation des politiques, notamment économiques et sociales, adoptées tant par le gouvernement français que par l’Europe. Dette publique, Chômage, Précarité, Euro, FMI étaient autant de top trends durant les discussions. Mais derrière ces mots, le même malaise vis à vis de l’organisation démocratique, l’impression de ne pas se trouver sa place dans le système actuel. Et aussi, le sentiment que les décisions qui comptent sont prises par des organisations non représentatives (FMI, BCE, etc.), imposées à des gouvernements sans tenir compte des citoyens.
Auteur : empanada_paris
Prends la place !
Un slogan souvent utilisé par les Indignés mais qui est fort de symbole. Au premier degré, il s’agissait de réoccuper les places publiques, seul lieu où le citoyen pouvait finalement s’exprimer et faire entendre sa voix. En Espagne, les mouvements se sont installés sur les places publiques. En France, diverses villes ont vu naître des campements ou tout du moins des assemblées populaires sur ces espaces. Bien évidemment, cela n’a pas été sans difficultés ou tension avec les autorités. Autant à Bayonne, le maire n’obtenait pas de la justice la possibilité de déloger les Indignés, autant à Paris le dernier rassemblement spontané d’environ 200 personnes sur le parvis de Notre-Dame-de-Paris le 19 juin se soldait par l’arrestation de 127 d’entre-eux, emmenés dans 3 commissariats parisiens pour un contrôle d’identité.
Au delà de la symbolique, d’une occupation physique d’une place, le “Prends la place” a une autre signification pour ces indignés. Ils veulent retrouver leur place dans le débat démocratique qui les concerne. Et à ce titre, le rejet de tout parti politique ou syndicat est fort ; ce comportement étant partagé par une majorité de participants, le consensus en la matière étant difficile.
Quelle explication à cela ? La démocratie aujourd’hui est composée d’intermédiaires et fondée sur le concept de mandat représentatif, lui même porteur de la souveraineté nationale. Une fois élu, le représentant peut agir à sa guise et n’est pas tenu par les promesses faites à ses électeurs. La seule sanction alors existante est l’élection suivante. Si l’électeur considère que le député n’a pas agi dans son intérêt, ou dans le sens de l’intérêt général, il pourra le sanctionner par un vote de défiance.
A l’inverse, certains Indignés réclament le retour au mandat impératif, qui existait dans la Constitution de l’An I de 1793. L’élu serait alors tenu de respecter ses engagements et pourrait alors être révoqué à tout moment par ses électeurs. La souveraineté deviendrait alors populaire. Seulement, un tel retour en arrière s’avère délicat, l’actuelle Constitution française rappelant dans son article 27 que “tout mandat impératif est nul”.
Alors comment peut prendre cette place ? Actuellement, la France est bâtie autour d’un ensemble d’intermédiaires. Les élus discutent avec des intermédiaires qui se déclarent représentants de tel ou tels intérêts. On pense bien évidemment aux nombreux lobbyistes agissant, à couvert ou non, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Mais il s’agit également des partis politiques et des syndicats qui sont les interlocuteurs privilégiés des pouvoirs politiques.
Auteur : empanada_paris
Dès lors que les citoyens veulent s’exprimer directement et pouvoir faire entendre leur voix, la place de ces intermédiaires se trouve alors contestée. Autant comme en Espagne, où les syndicats ont peu de représentativité, il peut être envisagé de donner plus de poids à une démocratie participative ; autant en France, où le partivisme et le syndicalisme sont parties intégrantes des débats de société depuis le Front populaire, le souhait d’instaurer une démocratie plus directe ne va pas dans le sens de la structuration actuelle de la prise de décision.
Mind the gap
L’enjeu dorénavant de ces Indignés est de pouvoir élaborer, au-delà des nombreuses questions de fond, une réelle réflexion sur la démocratie de demain. S’agissant souvent de citoyens, ils demeurent éloignés de la réalité de la prise de décision politique et des luttes d’influence qui peuvent l’accompagner. Ainsi, a-t-il été proposé de supprimer le Sénat et de le remplacer par une assemblée populaire. Les Sénateurs n’étant pas élus, ils ne seraient donc pas légitimes à la prise de décision publique. Mais qui a pris conscience qu’en fait le Sénat, notamment en période de fait majoritaire comme celle que l’on connaît actuellement, sait être, quelque soit sa couleur politique, un contre-pouvoir à une majorité présidentielle.
Le peuple aussi peut être un contre-pouvoir. Pascal JAN, professeur de droit public, affirmait ainsi que “de nos jours, les véritables contre-pouvoirs sont extérieurs à l'hémicycle”. Et c’est là qu’intervient internet. Tantôt louée, tantôt critiquée notamment lors de l’élection présidentielle de 2007, le concept de démocratie participative semble victime d’un sort.
Pourtant, au delà d’une démocratie participative, c’est plus un autre concept qui semble revenir dans quelques maigres débats sur ces questions : la “démocratie citoyenne” ou “démocratie populaire”. Les citoyens, les électeurs seraient appelés à participer à la discussion publique. L’Etat leur offrirait des lieux permettant des prises de parole publique, des sortes de “speaker corners” totalement dématérialisés.
Auteur : empanada_paris
Dématérialisées car en France, depuis une loi du 30 juin 1881, si les réunions publiques sont libres, celles-ci ne peuvent être tenues sur la voie publique - du moins sans déclaration préalable. Certaines réunions des Indignés en ont fait les frais de cette législation, en particulier celle du 19 juin devant Notre Dame de Paris où les participants étaient emmenés dans les bus de la préfecture de police de Paris aux cris de “Liberté d’expression”.
La conclusion de ces moments passés avec les Indignés pourrait être la suivante. Parmi tous les déficits que connaissent notre société, il en est un qu’il faudrait combler : celui de la place occupée par le citoyen dans l’élaboration des règles et la prise de décision publique. Sans pour autant changer la forme de la démocratie, une première étape pourrait alors consister à ce que l’Etat se saisisse enfin du sujet de la eDémocratie et mettre en oeuvre des outils permettant d’une part de consulter les citoyens sur des sujets importants et, d’autre part, de permettre aux mêmes citoyens d’exprimer leurs attentes ou leurs besoins. Une sorte de réouverture des cahiers de doléances.
Et ensuite, les élus seront en mesure de statuer. Sur la base de ces doléances mais aussi en tenant compte de l’intérêt général qu’ils sont appelés à défendre, ils pourront prendre des choix. Le Conseil d’Etat dans son dernier rapport annuel va justement dans ce sens. Peut être que l’examen du Projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts, qui sera présenté par Valérie Pécresse, nouvelle Ministre du Budget et utilisatrice de Twitter, pourrait être une bonne étape pour réduire cette distance entre le citoyen et le politique.
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Droits : Photos sous Creative Commons. Auteurs : asynrix et empanada_paris sur flickr.
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