mardi 19 juillet 2011

Projet de loi consommation : (I) l'information du consommateur

Dernier grand texte "conso" du quinquennat de Nicolas Sarkozy avant les élections présidentielles et législatives de 2012, le 1er juin dernier, Frédéric Lefebvre a déposé sur le bureau du Président de l'Assemblée nationale le projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs.  Il a été examiné le 6 juillet 2011 par la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale qui a ainsi de plusieurs centaines d'amendements à ce texte.

Au final, la Commission des affaires économiques a triplé le volume du texte le faisant passer de 11 à 29 articles - sans compter les ajouts d'alinéas au sein même des textes initiaux proposés par le Gouvernement. Le texte adopté par la Commission des affaires économiques sera examinée, après l'été, par les députés avant de partir au Sénat. L'objectif affiché par le Gouvernement est une adoption définitive au plus tard au début de l'année 2012.

Comme il reste tout l'été aux membres de l'Assemblée nationale pour examiner ce texte, se faire une idée sur son contenu - voire déposer de nouveaux amendements, aucun commenter la version adoptée par la Commission des affaires économiques. Même si le droit de l'immobilier reste un hobby, je n'évoquerai pas la réforme envisagée de la loi de 1989 relative aux rapports entre les bailleurs et locataires.

Mais rassurez-vous, il y a de multiples autres sujets à évoquer dans le cadre de ce texte. Des mesures qui sont destinées à s'appliquer aux relations entre le consommateur et son opérateur (fournisseur d'accès, téléphonie mobile, etc.) ou celles qui sont destinées à s'appliquer aux relations entre le consommateur et le cybermarchand. Sans compter les autres mesures diverses.

Cette première partie se focalise sur l'information du consommateur. D'autres parties suivront portant notamment sur des contrats spécifiques (voyage, vente de produits d'optique) ou sur d'autres sujets (responsabilité du transporteur, droit de rétractation, etc.)

L'information préalable du cyber-acheteur

Information
Source : heathbrandon sur flickr (CC)

Alors parmi les mesures adoptées par la Commission des affaires économiques, on peut relever notamment les éléments suivants :

L'abandon de l'information préalable sur la durée de validité de l'offre et de son prix

Cette mesure est discutée depuis de nombreuses années. Il s'agit d'une résurgence d'un droit spécifique destinée à s'appliquer aux vendeurs par correspondance, les VPCistes. En effet, dès lors que l'offre était diffusée sur un support matériel (le fameux catalogue papier), le consommateur devait être en mesure de s'assurer que l'offre était toujours valide au moment où il tournait les pages. Ce qui fût chose faite par la mention du caractère "printemps/été" ou "automne/hiver" du catalogue.

Mais sur internet, plusieurs personnes ont eu l'occasion de relever que cette mesure n'était pas compatible avec la technologie : si l'offre est valide, elle est accessible sur le site. A partir du moment où l'offre n'est plus accessible, le cybermarchand la fait disparaître de son site. En outre bien souvent, sur internet, l'offre demeure valide jusqu'au moment où le produit est frappé d'une rupture de stock.

La Commission des affaires économiques va dans ce sens en estimant que la mention de la durée de validité de l'offre ne s'applique pas aux contrats conclus par le biais d'internet. Mais surtout, il demeure un garde-fou pour le consommateur : un professionnel qui ferait la promotion de produits indisponibles pourrait alors tomber sous le coup de l'incrimination de pratiques commerciales déloyales, pénalement répréhensibles.

La mention des garanties légales de conformité et des informations relatives à la garantie commerciale et SAV

La Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a prévu une obligation d'information précontractuelle à savoir :
"Sont également indiquées les informations relatives à la garantie légale de conformité mentionnée à la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du présent livre pour les contrats mentionnés à l’article L. 211-1 ainsi que, le cas échéant, les informations relatives à la garantie commerciale et aux prestations de services après-vente mentionnées, respectivement, à l’article L. 211-15 et à la section 6 du même chapitre Ier"
Il s'agit ici pour le cybermarchand de mentionner sur son site, en phase précontractuelle, un certain nombre de mentions relatives à la garantie légale de conformité (imposant à un marchand de livrer un bien conforme, conformité que peut revendiquer un consommateur pendant 6 mois), relatives à la garantie commerciale ou à la manière de prendre contact avec le SAV.

Première remarque : on peut se demander à ce stade pourquoi cette obligation à la charge du professionnel et qui se veut protectrice du consommateur ne s'applique que lors d'un achat sur internet. Pourquoi une obligation similaire ne pèse pas sur les marchands en "dur" ; les règles relatives à la garantie tant légale que commerciale ayant vocation à s'appliquer indépendant du canal de commercialisation, elles seraient légitimes à s'appliquer à tous.

Certes l'article 9 du projet de loi souhaite prévoir une obligation d'information s'appliquant à tous les professionnels, du monde physique ou du monde virtuel, mais celle-ci est réduite exclusivement à une information sur l'existence et les modalités d'exercice de la garantie légale de conformité et de la garantie des vices cachés.

Sur le fond, la mesure peut se comprendre. Informer le consommateur de ses droits est toujours bénéfique. Néanmoins, la difficulté est toujours la même. En imposant une obligation d'information relative à des textes législatifs, le marchand a alors deux choix : soit faire un copier/coller de ces textes dans ses conditions générales (avec le risque de ne pas les mettre à jour en cas de modification législative) ou en faire une synthèse compréhensible par le consommateur (avec le risque alors d'en faire une lecture rectrictive, voire contraire à la loi).

Personnellement, je demeure convaincu du besoin d'alléger les conditions générales applicables aux relations commerciales. Notamment à une époque où l'on parle d'accessibilité et de consentement d'un consommateur à de telles dispositions : si le texte, bien qu'accessible, demeure illisible ou incompréhensible pour un consommateur d'attention moyenne, peut-on estimer qu'il a alors réellement consenti à celui-ci. Juridiquement, les juridictions vous expliqueront que le consentement est libre et éclairé et donc valide. Mais sur le fond, qu'en est-il réellement ?

Demander aux cybermarchands de faire un copier/coller de lois existantes ne peut qu'alourdir la lecture d'un texte destiné à un consommateur .. et donc l'inciter à ne plus lire ce document. Je trouve la logique contradictoire avec un souhait de meilleure information et sensibilisation de tous les internautes.

L'information du consommateur sur le montant de la rémunération pour copie privée

L'article 9 II bis du projet de loi prévoit d'intégrer dans le Code de la propriété intellectuelle un nouvel article L 311-4-1 prévoyant que : 
"Le montant de la rémunération prévue à l’article L. 311-3 est porté à la connaissance du consommateur lors de la mise en vente des supports d’enregistrement mentionnés à l’article L. 311-4. L’information délivrée porte sur le montant de la rémunération imputable spécifiquement à chaque support. Une notice explicative relative à cette rémunération est également portée à sa connaissance. Les conditions d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État".

Nouvelle étape dans la sensibilisation du consommateur sur le montant de la rémunération pour copie privée, la mesure souhaite imposer aux distributeurs de mentionner dans l'offre de vente la part du prix qui est payée par le consommateur et qui est reversée à Copie France et à la Sorecop. En outre, une notice explicative sur cette rémunération est portée à la connaissance du consommateur. En l'absence d'information, le distributeur s'expose à une pénalité administrative de 3000 euros que les agents de la DGCCRF sont susceptibles de lui infliger.

Au-delà de l'aspect symbolique d'information du consommateur, cette mesure pourrait avoir un effet "choc" auprès de ces derniers lorsqu'ils prendront conscience du montant que peut représenter la rémunération pour copie privée sur certains supports. L'impression d'une importante "taxation" demeurera sans nul doute dans l'esprit du consommateur lors de l'acquisition de ces produits.

Au passage, le consommateur pourra même voir sur des produits technologiques, la différence entre la rémunération pour copie privée (de quelques euros ou dizaines d'euros) et la contribution au titre de l'éco-contribution (de quelques centimes d'euros).

L'information du consommateur au moment de l'exécution du contrat

Information has moved...
Source : choffee sur flickr (cc)

Tout d'abord, le texte de la Commission des affaires économiques propose d'imposer aux cyber-marchands une obligation d'information sur les garanties légale et commerciale identique à celle exposée précédemment. Les remarques seront les mêmes, à une différence près. La loi impose déjà, en particulier pour les garanties commerciales, la remise d'un document expliquant les modalités d'exercices de celles-ci et la manière de prendre contact avec le service client.

Mais surtout à ce stade de l'exécution du contrat, on pourrait sans doute soulever un "lièvre" supplémentaire. Le projet de texte propose d'imposer une obligation d'information pesant sur la seule obligation légale de conformité. Or, c'est oublier que d'autres obligations légales s'imposent au marchand : la garantie des vices cachés mais surtout celle liée à la responsabilité dite "de plein droit" prévue à l'article L. 121-20-3.

Un exemple précis : le consommateur reçoit un bien qui ne fonctionne pas. Est-il non conforme au sens du Code de la consommation ? Bien sûr que non ! Le consommateur peut alors faire jouer sa garantie de conformité et alors obtenir la réparation ou le remplacement. Bien souvent, le marchand opposera la réparation (moins coûteuse pour lui), ce que la loi lui permet.

Si le consommateur avait été informé des obligations inhérentes à la responsabilité de plein droit, le consommateur aurait pu choisir (et l'imposer) au marchand et notamment demander la résiliation du contrat et donc son remboursement.

A vouloir informer le consommateur sur certaines règles, on en vient à mettre un focus sur uniquement certaines et on crée une sorte de voile sur l'ensemble du corpus législatif existant. Et ce n'est sans doute pas en faveur du consommateur.

Les modalités d'information du consommateur

L'accessibilité des CGV et CGU

L'article 19 de la LCEN avait déjà prévu un principe d'accessibilité des conditions générales du cybermarchand. Le projet de loi consommation va un peu plus loin en prévoyant ceci :
"L’ensemble des conditions contractuelles, générales ou particulières, applicables à la fourniture d’un produit ou d’une prestation de service à distance doivent être facilement accessibles, au moment de l’offre, à partir de la page d’accueil du service de communication publique en ligne du vendeur ou du prestataire de service ou sur tout support de communication de l’offre"
Qu'est ce que cela signifie ? L'ensemble des CGV et CGU doivent être accessibles depuis la page d'accueil du site. Ok.

Mais si on arrive sur une offre depuis un moteur de recherche ou un comparateur de prix, on est bien d'accord que l'on ne passe pas par la page d'accueil du site ? Dans ces conditions, les CGU et CGV ne seront pas visibles du consommateur. Je doute que la précision apportée faisant référence à la page d'accueil du site apporte une réelle protection au consommateur.

Le texte va surtout plus loin en prévoyant que ces CGU et CGV doivent être accessibles "sur tout support de communication de l'offre". Cela signifie notamment qu'un lien doit figurer, par exemple, dans les newsletters adressées par les marchands ou dans les offres qui seraient envoyées sur des bases de données de courriers électroniques.

Mais quid des publicités, voire de celles sous forme de liens commerciaux ? De telles publicités sont des "supports de communication de l'offre". Elles devraient donc intégrer un lien vers les CGU et CGV ce que le format peut rendre difficile voire impossible. Et surtout dès lors que ces publicités renvoient directement vers le site du marchand - où figurent les fameuses conditions et pas seulement sur la page d'accueil - est-il nécessaire de les faire inscrire en dur dans les publicités ?

De manière plus générale, on peut s'interroger sur la pertinence de cet article, notamment au regard de l'article 19 LCEN qui prévoit depuis 7 ans une obligation similaire ...

La possible omission d'informations substantielles dans les supports à taille limitée

Aux termes de l'article L.121-1 du Code de la consommation, une pratique commerciale est trompeuse si, "compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte".

Le projet de loi apporte des précisions sur l'omission d'informations substantielles. Ainsi :
"lorsque le moyen de communication utilisé impose des limites d’espace ou de temps, il y a lieu, pour apprécier si des informations substantielles ont été omises, de tenir compte de ces limites ainsi que de toute mesure prise par le professionnel pour mettre lesdites informations à la disposition du consommateur par d’autres moyens".
Immédiatement, on pourrait penser à l'usage de twitter qui impose une limite de 140 caractères. Ainsi, un professionnel qui fait usage des twitts pour communiquer des offres à sa clientèle peut s'abstenir d'indiquer dans les 140 caractères l'ensemble des caractéristiques de l'offre, sous réserve de la communiquer au consommateur par d'autres moyens, par exemple, sur la page sur laquelle va arriver ledit consommateur après avoir cliqué sur le lien.

De même, cette circonstance est pleinement applicable aux liens commerciaux voire aux bannières publicitaires dont le format est strictement encadré.

(à suivre ...)

2 commentaires:

SedLex a dit…

"Un exemple précis : le consommateur reçoit un bien qui ne fonctionne pas. Est-il non conforme au sens du Code de la consommation ? Bien sûr que non ! Le consommateur peut alors faire jouer sa garantie de conformité"

Ne serait-ce pas plutôt la garantie des vices cachés ? car le dysfonctionnement est bien caché au moment de la conclusion de la vente (achat en ligne) et la lettre de l'article 1641

bourdais a dit…

@Sedlex : C'est bien l'action en garantie de conformité, du code de la consommation (art. L211 et ss), à ne pas confondre avec les actions offertes par le code civil : action en GVC (art. 1641 et ss.) et action en délivrance conforme (art. 1604 et ss.).

Un des avantages pour le consommateur, la présomption simple d'antériorité du défaut dans un délai de 6 mois (L211-7 C. Conso) qui permet une mise en oeuvre plus simple que l'action en GVC.

@btabaka : Merci pour ces articles !