Une décision a été rendue le 15 décembre 2006 par le Tribunal de grande instance de Nanterre qui a condamné Sony - à la demande d'UFC Que Choisir - pour tromperie et vente liée à l'encontre des consommateurs pour la vente de fichiers musicaux et la vente de baladeurs numériques "verrouillés".
Pour résumer cette décision, les juges ont considéré que s'agissant de la vente de fichiers musicaux en ligne :
1 - La commercialisation de fichiers musicaux sur l'internet est un contrat de prestation de service.
2 - l'information du consommateur sur la seule compatibilité des fichiers achetés sur la plate-forme de téléchargement de Sony avec des matériels de cette marque n'est pas aisément accessible ni suffisamment claire, précise et compréhensible pour le consommateur. Pour les juges ce comportement est constitutif d'une tromperie du consommateur
3 - le fait que la plate-forme de musique commercialise des fichiers dans un format uniquement lisible sur des baladeurs Sony est constitutif d'un acte de vente liée.
S'agissant de la vente de baladeurs, les juges considèrent qu'il y a tromperie dès lors que le consommateur n'est pas suffisamment informé, de manière claire, précise et compréhensible, sur le fait que seuls les fichiers achetés sur le site Connect peuvent être lus par ces baladeurs (et ceci même si d'autres formats plus ou moins "ouverts" comme le MP3 peuvent être lus sur ces matériels). Dans une telle situation, il y a tromperie.
En pratique, le tribunal enjoint à Sony de modifier ses pratiques et notamment d'améliorer l'information du consommateur.
Que tirer de cette décision ?
1 - Pour la première fois, un juge applique directement les dispositions de la nouvelle loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information du 2 août 2006 en affirmant que "aucune disposition légale ou réglementaire n'impose une interopérabilité totale entre les fichiers musicaux et les baladeurs numériques : les mesures techniques de protection sont autorisées par la loi sous certaines conditions dans le souci de préserver un équilibre entre le droit des ayants droits d'instaurer des mesures techniques de protection sur les oeuvres qu'ils commercialisent et la faculté du consommateur à réaliser des copies privées des œuvres".
2 - Les juges ont été amenés à concilier la protection des ayants droits et la protection du consommateur et donc ont pu estimer que certaines pratiques, pourtant conformes au droit d'auteur, étaient constitutives d'atteintes aux droits des consommateurs.
3 - La condamnation du manque d'information va imposer aux divers éditeurs de plates-formes payantes et de lecteurs multimédias d'améliorer la lisibilité de l'information des consommateurs sur la compatibilités des fichiers/lecteurs entre eux. Cette obligation va également porter - naturellement - sur les distributeurs de lecteurs multimédias (magasins physiques, cyber-marchands).
4 - Le point le plus intéressant est sans doute la condamnation de la plate-forme de téléchargement pour vente liée : les juges indiquent donc qu'un site de téléchargement n'a pas la possibilité de limiter à un seul lecteur (ou aux lecteurs d'une seule marque) la lecture des fichiers musicaux. A l'inverse, cela oblige l'internaute qui achète de la musique sur une plate-forme à acquérir le lecteur "partenaire" de cette plate-forme. La solution pour les plates-formes est double : soit commercialiser des fichiers dans un format compatible avec d'autres lecteurs, soit suivre les dispositions de la loi DADVSI qui imposent aux personnes ayant recours à des mesures techniques de protection de donner accès aux "informations essentielles à l'interopérabilité" permettant ainsi aux fabricants de lecteurs de les rendre compatibles avec les divers fichiers musicaux.
La décision est disponible sur le site d'information sur le droit des nouvelles technologies Gazette du Net.
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