Un intéressant arrêt de la Cour d'appel de Paris du 9 décembre 2004 vient récemment d'être relevé par Patrice Bouteiller à l'occasion d'un commentaire ("Conditions du remboursement par un établissement financier au titulaire d'une carte bancaire des retraits frauduleux", JCP E, 9 juin 2005, p.858).
En l'espèce, il s'agissait d'un particulier qui suite à des débits détectés sur son compte bancaire, en avait demandé le remboursement à sa banque sur le fondement des articles L. 132-4 et L. 132-5 du Code monétaire et financier. Ces textes prévoient qu'en cas de fraude à la carte bancaire, le porteur peut obtenir le remboursement des débits frauduleux et des frais occasionnés en s'adressant auprès de sa banque.
Suite au refus de la banque, celui-ci avait saisi - en vain - le tribunal d'instance de Paris 9e, puis finalement la Cour d'appel de Paris. En effet, le contentieux portait sur le fait que les retraits contestés avaient été effectués - selon le particulier - de manière frauduleuse à l'aide d'une "yes card". La banque estimait qu'il s'agissait d'une tentative de fraude de la part du particulier lui même.
Dans cette décision, la Cour d'appel de Paris rappelle les règles applicables : "selon les articles L. 132-4 et L. 132-5 du Code monétaire et financier, la responsabilité du titulaire de la carte n'est pas engagée si le paiement contesté a été effectué frauduleusement, à distance, sans utilisation de sa carte ou en cas de contrefaçon et si au moment de l'opération contestée, il était en possessiond e sa carte".
Interprétant ces dispositions, elle pose un principe fort : "il incombe donc [au demandeur] de prouver qu'il était resté en possession physique de sa carte, que le paiement effectué était frauduleux ou obtenu à l'aide d'une carte contrefaite".
Cette solution, comme le précise le commentateur, "devrait encourager les établissements de crédit (...) à refuser le remboursement des opérations effectuées à l'aide d'une carte contrefaite".
Transposée à l'internet, la solution risque d'être identique. En application de cet arrêt, le particulier devrait par exemple prouver qu'il a été victime d'une fraude à la carte bancaire ce qui peut s'avérer difficile. Matériellement, celle-ci se concrétise par un retrait opéré sur le compte bancaire. Or, il faudrait à l'internaute obtenir les coordonnées du vendeur escroqué pour ensuite lui demander la preuve nécessaire à établir ladite fraude (livraison à une autre adresse et sous un autre nom, etc.). On imagine immédiatement la difficulté qui pourrait naître à établir une telle preuve dès lors que le vendeur victime se situe au delà de notre territoire.
Pourtant, et comme le rappelle le commentaire, les débats parlementaires avaient considéré qu'on ne pouvait imposer aucun préalable au remboursement du consommateur comme, par exemple, un dépôt de plainte.
Il faut donc espérer qu'une équilibre soit trouvé entre le régime protecteur du consommateur institué par le Code monétaire et financier et la nécessité de diminuer les cas de fraudes opérées par les porteurs de carte indélicats. Cela est d'autant plus nécessaire à un moment où les tentatives de fraude sur des numéros usurpés dans la vie réelle semblent en augmentation.
1 commentaire:
Lecteur régulier de cette chronique dont j'apprécie la teneur, je me permets d'apporter deux précisions concernant l'arrêt cité, qui ont incité la cour d'appel à ne pas faire application des articles du Code monétaire et financier cités :
- les débits n'ont pas été opérés à distance, sans présentation physique de la carte mais au contraire dans un distributeur automatique de billets.
- le distributeur en question a lu la carte à puce et était relié à un centre d'autorisation (rendant une yes card inutilisable). La réalité technique est attestée par une rapport du ministère de l'économie, précisément cité dans la décision par la Cour d'appel. Il appartient donc au demandeur d'apporter la preuve de sa prétention.
Voir JCPE n°23 9 juin 2005 p. 956 pour le texte de lé décision.
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