Par un arrêt en date du 21 octobre 2008, la Cour de cassation est venue - pour la première fois - faire une application et interprétation du régime de responsabilité aménagée au profit de certains intermédiaires de l'internet que l'on appelle communément les hébergeurs.
Pour mémoire, ce régime a été refondu par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (article 6.I.2). Ce texte prévoit que :
Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible.
La problématique soulevée par ce texte demeure son champ d'application. Les nombreuses décisions (parfois contradictoires) rendues par les juridictions du premier degré - tant françaises qu'européennes - n'aide pas à la compréhension du régime juridique.
L'Europe a apporté des
éclaircissements. La Commission européenne a notamment rappelé que le régime de responsabilité peut s'appliquer de manière distributive aux diverses activités réellement exercées par un seul et unique acteur.
Voici dorénavant que la Cour de cassation vient d'apporter un éclaircissement sur l'application de ce statut. Le contentieux opposait le Méridien au site de vente d'enchères de nom de domaine sedo.fr. Le site revendiquait, sans succès, en première instance l'application à son profit de l'article 6.I.2 de la LCEN. Les juges suprêmes confirment les juges du fond et écartent l'application du régime de l'hébergeur à Sedo.
Pour les juges :
Mais attendu, en premier lieu, qu’en retenant, par motifs propres et adoptés, que la société Sedo éditait un site internet consacré aux noms de domaine qu’elle proposait à la vente, qu’elle offrait une expertise destinée à aider à la fixation de la valeur, charge de commission en cas de vente, et qu’elle exploitait commercialement le site www.sedo.fr, la cour d’appel, qui s’est livrée aux recherches prétendument omises, et qui n’était pas tenue de procéder à celle, inopérante, visée à la dernière branche du moyen, a justifié sa décision d’écarter l’application à cette société du régime de responsabilité réservé aux intervenants techniques sur internet ;
Il apparaît que le juge procède à un analyse de l'activité exercée par Sedo à savoir :
- édition d'un site internet proposant à la vente des noms de domaine
- offre d'une expertise pour aider à la fixation du prix
- perception d'une commission en cas de vente
- exploitation commerciale du site
Sur la base de ces critères, les juges écartent l'application du régime au motif que celui-ci est "réservé aux intervenants techniques sur internet". Cette dernière phrase n'est pas neutre dès lors qu'elle est laisse entendre que le régime de responsabilité de l'hébergeur doive être écarté dès lors que le site n'a pas une activité purement technique. Or, à ce jour, nombreux sont les hébergeurs - qualifiés ainsi par les tribunaux - à ne pas exercer une telle prestation purement technique.
Mais surtout une telle interprétation s'éloigne de la position de la Commission européenne qui n'a pas conditionné l'application du régime à l'exécution d'une prestation uniquement technique.
Sans doute faut-il plutôt considérer que c'est la nature de l'activité globale exercée par Sedo (à savoir celle d'une intermédiation rémunérée dans la vente d'un nom de domaine) qui a emporté l'avis des magistrats suprêmes et non pas le fait que cette activité ne serait pas uniquement technique.