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En effet, nombreux sont les clients du service postal qui souhaitant envoyer des livres, CDs ou DVDs se voient refuser la prise en charge de leur envoi au tarif "lettre" et obtenir à la place l'invitation du guichetier à utiliser une offre dédiée comme la "lettre Max" ou "Colissimo" au motif que les objets ne peuvent pas être envoyés en utilisant le tarif lettre. Problème pour le consommateur ? Le prix. En effet le recours à la lettre Max ou à un envoi en Colissimo peut multiplier très fortement le coup d'envoi de l'objet.
Les conséquences ne sont pas neutres. Pas seulement pour les consommateurs mais pour un secteur qui s'appuie sur l'envoi de petits objets par le circuit postal : les relations commerciales entre particuliers, le fameux CtoC et ses acteurs que sont PriceMinister, eBay, 2xMoinsCher, le Bon Coin, etc.
Face à ces demandes répétées, il faut bien l'avouer, les acteurs du CtoC n'ont pas pu rester indifférents. En effet, le prix de l'envoi des petites marchandises est clairement un élément permettant de jouer sur l'attractivité de la vente entre particuliers. Même si à Noël, nombreux sont ceux à revendre leurs cadeaux, encore faut-il qu'ils puissent les envoyer à un prix abordable ou du moins qui ne soit pas rédhibitoire.
Et cela représente un volume important. Récemment, Pierre Kosciusko-Morizet indiquait que 30% des produits vendus par des particuliers sur PriceMinister sont des livres. Il faut ajouter à cela les autres produits culturels, les autres envois envoyés par des utilisateurs d'autres plateformes. Si le chiffre n'a jamais été évalué précisément, on a toujours pensé que l'on parlait de l'envoi au total de plus de 5 millions de petits objets chaque année.
L'envoi des petits objets au tarif lettre : rien ne l'interdit
Tout commence à compter de 2005 quand le médiateur du service universel postal dans son rapport pour l'année 2004 émet quelques pistes de réflexions notamment sur la définition de ce que l'on appelle "la lettre" :
Le médiateur a reçu plusieurs saisines de clients de La Poste qui ont utilisé la simple prestation lettre de La Poste pour expédier des objets de petite dimension, notamment des composants informatiques, des disquettes, des CD roms, des DVD ou encore des clefA cette occasion, le médiateur relevait que :
En tout état de cause, ces dispositions réglementaires ne prohibent pas l’insertion de marchandises dans une lettre, pour autant que le tarif lettre soit respecté. (...)Les conditions générales de vente ne prohibent pas formellement l’acheminement de marchandises par une prestation « lettre »(...)En conclusion, dans les cas qui lui ont été soumis, force a été de conclure à l’issue de l’analyse menée que les clients n’ont contrevenu à aucune disposition dont ils auraient pu avoir connaissance en choisissant d’acheminer des marchandises comme par exemple des composants informatiques par une prestation « lettre ».Ainsi, en 2005, le médiateur du service universel postal conclut à la possibilité d'expédier des petites marchandises en utilisant le tarif "lettre".
Malgré cela, au guichet, les positions ne changent pas. Et les consommateurs continuent de se plaindre notamment auprès de la Commission européenne qui écrit alors à l'ARCEP. La réponse de l'ARCEP ne va pas tarder et de manière assez inattendue. Dans sa "Lettre de l'Autorité" datée des mois de septembre/octobre 2007, une pleine page apparaît et le message est clair :
"Concrètement, si le client estime que la prestation lettre satisfait ses besoins, tout en respectant les conditions de format, de poids et de tarifs, ainsi que les obligations en matière de conditionnement, La Poste ne peut lui interdire d’expédier son envoi au tarif lettre".Donc, l'ARCEP rappelle que la Poste est obligée de proposer un tarif abordable pour l'expédition de petits objets.
La riposte de la Poste : l'interdiction de l'envoi de petits objets au tarif lettre
La Poste résiste pourtant et continue à renvoyer les consommateurs vers des offres dédiées dans la gamme Colissimo ou Lettre Max. Pire, elle modifie ses conditions générales de vente au mois d'octobre 2007 pour interdire l'envoi de petits objets au tarif "lettre".
Source : Warm 'n Fuzzy sur Flickr
L'ARCEP réagit alors de manière inattendue. Devant homologuer une augmentation des tarifs Colissimo, par un avis en date du 5 février 2008, l'autorité décide de l'apprécier au regard de l'existence d'une offre abordable pour les petits objets:
"L’Autorité estime que le niveau et l’évolution des tarifs des colis du service universel ne se conçoivent que sous réserve de l’existence d’une offre complémentaire à un tarif équivalent ou proche du tarif « lettre », pour des envois d’un format standard adapté au dépôt et à la remise en boites aux lettres et permettant son usage pour une variété suffisante d’objets dont la valeur ne justifie pas le recours au Colissimo."En juin 2008, la Poste décide de plier et s'engage à commercialiser une offre dédiée à l'expédition d'objets de petites valeurs. Par un avis en date du 18 septembre 2008, l'ARCEP homologue l'offre Mini-Max car "répond de manière satisfaisante aux besoins exprimés par les consommateurs de la commercialisation d’un nouveau produit relevant du service universel pour l’envoi de petits objets à un tarif abordable".
Or, déjà à cette époque l'offre n'était pas satisfaisante. Si elle était légèrement supérieure au tarif lettre, l'offre était limitée dans le format et surtout dans le poids. Pour démontrer l'inefficacité, je prenais souvent un exemple : le dernier ouvrage de Marc Levy ne pouvait ainsi pas être expédiée par ce moyen.
Au début de l'année 2009, l'ARCEP continue ses rappels à la Poste cette fois-ci à propos des tarifs transfrontaliers, pour l'envoi de petites marchandises en Europe :
"Toutefois, la distinction entre les envois de marchandises et envois de correspondance ne devrait être mise en œuvre effectivement que si elle s’avère indispensable à la satisfaction d’obligations s’imposant au service postal. En outre, l’usager doit continuer à disposer d’une offre abordable, adaptée aux caractéristiques des envois ; l’Autorité estime qu’il convient en particulier que l’offre comporte un tarif proche de celui des envois de correspondance pour les envois de faibles poids (inférieurs à 100 grammes), comme c'est le cas pour les envois domestiques."L'ARCEP sort l'artillerie lourde
Le 12 février 2009, la tension monte d'un cran entre l'ARCEP et la Poste. La raison ? L'autorité se sent menée en bateau par la Poste.
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Si la Poste a bien proposé une offre "Mini Max", il semble que celle-ci soit méconnue du grand public voire non proposée. L'ARCEP décide donc de sortir une arme à laquelle on ne s'attendait pas : elle décide de ne pas homologuer une proposition d'augmentation tarifaire de Colissimo :
"Elle ne peut néanmoins que constater que, au-delà de ses seules obligations réglementaires minimales, La Poste n’a pas mis en œuvre l’ensemble des moyens nécessaires et suffisants en matière d’information sur le produit Mini Max en direction de son réseau comme des consommateurs, pour que ne perdure pas une orientation préférentielle de ses clients à la recherche de produits d’envoi de petits objets vers des produits plus chers tels que Colissimo et Lettre Max.
Dans ces conditions, l’Autorité émet un avis défavorable à l’augmentation des tarifs du Colissimo présentée par La Poste le 12 janvier 2009."
En clair, tant que la Poste n'aura pas réellement commercialisée une offre adaptée à l'envoi de petits objets, le tarif Colissimo sera bloqué.
Les lobbies appuient là où ça fait mal
A partir de là, un échange a lieu entre l'ARCEP et la Poste sur le respect de ses obligations. La Poste justifie ce blocage par le fait qu'il n'existe "aucun besoin social, en l'absence de demande ferme des consommateurs". Pour débloquer la situation, il s'est avéré nécessaire d'avoir deux actions conjointes.
La première est venue de la part des acteurs du e-commerce, et notamment les fameuses plateformes de commerce électronique. Mais pas directement, par le biais d'une de leurs associations, l'Association de l'Economie numérique (ACSEL), à l'époque présidée par Pierre Kosciusko-Morizet. Dans un courrier en date du 1er septembre 2009(1), de plusieurs pages et relativement documenté, l'ACSEL considérait que l'offre Mini Max "était insuffisamment connue du grand public et qu’elle était inadaptée matériellement à sa fonction première : l’envoi de petits objets". En particulier, l'association relevait que les contraintes limitant l'épaisseur maximale avait "pour effet d’exclure un très grand nombre de produits et en particulier les livres de type "grand format". Il en est de même pour certains livres de poche pour lesquels l’épaisseur dépasse les 2 cm".
La seconde est venue de l'ARCEP qui s'est associée avec l'Institut national de la consommation (INC) pour réaliser une étude et des tests auprès de plusieurs bureaux de poste. Publiée en mars 2010, l'étude "a montré qu’il existait un problème d’accessibilité de l’offre « Mini Max » et que les utilisateurs recevaient une information inadaptée, voire inexacte."
Le 24 mars 2010, l'ARCEP met en demeure la Poste de lui proposer sous un mois les mesures qu'elle entend mettre en oeuvre afin de développer une offre tarifaire adaptée. A partir de ce moment, s'ouvre des échanges qui aboutiront à la sanction prononcée à la fin du mois de décembre 2011 par l'ARCEP avec l'argumentation suivante :
"L’Autorité constate que la méconnaissance, par La Poste, des obligations auxquelles elle est assujettie en application de l’article L. 1 du CPCE, a des conséquences dommageables pour les utilisateurs. En particulier, les consommateurs désirant envoyer des petits objets de faible valeur de plus de 2 centimètres d’épaisseur doivent s’acquitter du tarif « Colissimo » au lieu de bénéficier d’une offre abordable, telle qu’imposée par la loi, et telle d’ailleurs qu’elle est proposée par plusieurs postes européennes.L’Autorité estime, par ailleurs, que La Poste a tiré avantage du manquement reproché, qui a conduit à un report sur l’offre « Colissimo ». Dans les circonstances de l’espèce, et eu égard au fait que La Poste a amélioré, à la suite de sa mise en demeure, l’accessibilité de l’offre « Mini Max » et l’information des utilisateurs sur cette offre, l’Autorité estime qu’une sanction d’un million d’euros est proportionnée à la gravité du manquement et aux avantages qui en ont été tirés par La Poste".Si la sanction peut paraître faible au regard du chiffre d'affaire réalisé par La Poste, il convient de se rappeler que cette sanction a été précédée d'un blocage d'une augmentation des tarifs Colissimo qui, pour le coup, a eu une conséquence pécuniaire supplémentaire.
En attendant, la Poste a proposé à plusieurs reprises dans le cadre de la procédure de revoir les conditions de son offre Mini Max. Sans doute que celle-ci va évoluer prochainement. A défaut, il faudra sans doute s'attendre à une nouvelle sanction de la part de l'ARCEP
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(1) Petite explication de la manière dont cela se passe. Avant l'écriture d'un tel courrier, plusieurs échanges informels ont eu lieu avec les équipes de l'ARCEP en charge du suivi du secteur "service universel postal" afin de faire remonter les griefs qui eux même émanaient des utilisateurs des plateformes de commerce électronique. Le problème qui se posait à ces acteurs était non neutre : comment agir contre un acteur (La Poste) qui était, à l'époque, un potentiel partenaire commercial et très stratégique. Il avait donc été décidé d'utiliser une association professionnelle afin de faire porter la voie de ce secteur du commerce électronique plutôt que d'adresser des objections à l'entête de chaque acteur du commerce électronique. En parallèle, nous incitions nos utilisateurs auxquels des situations désagréables étaient arrivées de prendre contact avec l'ARCEP et d'exiger l'offre Mini Max en agence.