mercredi 27 février 2013

Pierre Fabre manque de faire interdire la vente sur internet de certains produits

Pierre Fabre. Ce fabricant de cosmétiques est également connu, dans le monde des juristes, comme étant à l'origine d'un important contentieux délimitant la possibilité pour une tête de réseau de contrôler la distribution de ses produits sur internet.


Une nouvelle affaire a été initiée en mars 2011 quand Pierre Fabre a fait assigner la SAS 3W Santé, éditrice du site www.lecomptoirsante.com car celui-ci commercialisait des produits de la gamme Klorane. La société Pierre Fabre invoquait avoir mis en place un réseau de distribution sélective et qu'elle s'opposait à la vente de ses produits sur Internet, ce type de commercialisation excluant, selon elle, "notamment le conseil par l'exercice pertinent, visuel ou tactile des caractéristiques de la peau ou du cheveu présentées par le consommateur".

Par ordonnance du 14 juin 2011, le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux a accueilli les demandes de Pierre Fabre. Cette ordonnance a été frappée d'appel par 3W devant la Cour d'appel de Paris.

Devant la Cour d'appel, Pierre Fabre demandait au juge des référés de constater que la commercialisation par 3W sur le réseau Internet  au mépris de ses conditions générales de distribution et de vente des produits de la gamme Klorane "contrevient à l'existence de son réseau de distribution sélective et d'ordonner en conséquence la cessation de toute commercialisation des gammes de produits KLORANE et la suppression de toutes les références à ces produits sur le site incriminé".

De son côté, la Cour relève que :
Il résulte de l'arrêt de la CJUE du 13 octobre 2011, saisie d'une question préjudicielle posée par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 29 octobre 2009, qu'une clause contractuelle, telle que celle comprise dans les contrats de distribution sélective de PIERRE FABRE, interdisant de facto Internet comme mode de commercialisation a, à tout le moins, pour objet de restreindre les ventes passives aux utilisateurs finals désireux d'acheter par Internet et localisés en dehors de la zone de chalandise physique du membre concerné du système de distribution sélective et que l'exemption par catégorie ne s'applique pas à un contrat interdisant la vente par Internet ;  
Considérant que si ce même arrêt énonce qu'un tel contrat peut, en revanche, bénéficier d'une exemption à titre individuel, encore faut-il que celui qui s'en prévaut établisse les conditions de l'article 101, paragraphe 3, TFUE, c'est-à-dire démontre qu'une telle pratique restrictive de concurrence contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique ;


A cet égard, les juges estiment que :
"non seulement PIERRE FABRE ne prétend pas faire la démonstration requise, mais encore l'Autorité de la concurrence a rappelé, dans son avis n 12-A-20 du 18 septembre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique (point 329), la décision n 08-D-25 du 29 octobre 2008 du Conseil de la concurrence selon laquelle PIERRE FABRE n'avait pas justifié des critères de l'article 81 devenu 101, paragraphe 3, TFUE, et que l'interdiction faite par ladite société à ses distributeurs agréés de vendre par le biais d'Internet constituait une restriction de concurrence contraire à ce texte et à l'article L. 420-1 du code de commerce ;
Que de surcroît, PIERRE FABRE propose elle-même directement des conseils et diagnostics personnalisés sur les différents sites Internet de ses marques"
Dans ces conditions, pour la Cour d'appel de Paris, Pierre Fabre "n'établit pas avec l'évidence requise en référé la licéité de son réseau de distribution sélective, de sorte que le trouble manifestement illicite imputé à 3W n'est pas caractérisé, pas plus que le dommage imminent".

Les juges déboutent donc Pierre Fabre de sa demande d'interdiction de commercialisation des produits Klorane.

Source : CA Paris, 17 janvier 2013, SAS 3W Santé c/ SAS Pierre Fabre Dermo Cosmétique, RG 2011/17764

Aucun commentaire: