samedi 23 février 2013

Free vs. Bouygues Telecom : un dénigrement croisé

La guerre opposant les divers opérateurs de télécommunication viennent régulièrement devant les tribunaux. Le 22 février 2013, le Tribunal de commerce de Paris a rendu sa décision dans un litige où Bouygues Télécom accusait l'opérateur Free de dénigrement à son endroit. A titre reconventionnel, Free arguait également d'actes de dénigrement de la part de Bouygues Telecom. Au final, le Tribunal de commerce de Paris a fait droit aux deux opérateurs et les a condamné, réciproquement.

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Dans son jugement, le Tribunal relève tout d'abord qu'il "n'est pas en tant que tel interdit de comparer ses produits avec ceux de ses concurrents mais qu'une telle comparaison doit respectée des règles strictes d'objectivité et de loyauté".

Concernant Free, il est apparu "tout au long de la campagne et encore aujourd'hui, Free communique sur l'idée selon laquelle les clients des opérateurs concurrents auraient, pendant des années, été p^ris pour des idiots payant des forfaits trop chers, que cela laisse à penser que les opérateurs, et en particulier Bouygues Telecom, auraient berné leurs clients par des offres trop chères"

Les juges considèrent que :
Attendu que de telles accusations, laissant entendre que les offres mobiles supérieures à 20 euros seraient une arnaque faite au consommateur, sont fausses, car sous couvert d'une affirmation péremptoire, Free masque en réalité des situations très différentes, selon que l'on se réfère à des forfaits simples sans engagement, ou à des offres avec engagement qui comprennent des services supplémentaires comme la fourniture d'un terminal parfois haut de gamme à prix réduit, un service client, un réseau de boutiques sur tout le territoire pour conseiller et permettre aux clients de découvrir et d'acquérir en boutique les offres et services de Bouygues Telecom, des services adaptés aux besoin des clients
(...)
En réduisant l'offre mobile à la seule composante du prix, Free occulte volontairement les autres offres de Bouygues Telecom, proposant une gamme de prestations complémentaires, pouvant justifier que le consommateur choisisse d'acquitter un prix plus élevé ;
Attendu ainsi que le discours trompeur et dénigrant véhiculé par Free a non seulement contribué à dévaloriser l'ensemble des offres supérieures à 20€ de Bouygues Telecom mais aussi installé dans l'esprit du public l'idée selon laquelle toute offre supérieure à 20€ constitue une arnaque induisant l'ensemble des consommateurs en erreur.
 
A l'appui de cette conclusion, les juges mentionnent le rapport de Corinne Erhel du 10 octobre 2012 sur la crise traversée par le secteur des communications électroniques et qui soulignait l'impact des offres de Free sur l'ensemble de la filière.

Les juges concluent que l'utilisation des termes "arnaques", "escroqueries", "racket" ou "gruge"  par Free pour désigner les offres de ses concurrents "constitue un acte de dénigrement constitutif de concurrence déloyale".

Le tribunal ordonne donc à Free de cesser l'utilisation des "termes et le champ lexical violent et injurieux et notamment ceux d'arnaque, de racket et d'escroquerie" sous astreinte de 100.00 euros par allégation.

Au regard du nombre de clients ayant migré vers Free "compte tenu des actes de dénigrement" (estimé à 181.106), les juges attribuent à Bouygues Telecom, 15 millions d'euros de dommages et intérêts auxquels il ajoute la somme de 10 millions d'euros pour l'atteinte portée à l'image de la marque.

Mais de son côté, Free a formulé une demande reconventionnelle destinée à faire condamner Bouygues Telecom également pour dénigrement. En effet, les juges retiennent que "l'emploi du terme 'calamité' a plusieurs reprises pour qualifier le réseau de (Free), son offre et son service est un acte de dénigrement car ce sont les qualités mêmes du service et celle du produit qui sont publiquement mises en cause".

Les juges relèvent également que:
Bouygues Telecom reproche à Free de s'entendre avec Orange ; Attendu que Free considère ces déclarations comme dénigrantes car contraires à la réalité, Bouygues Telecom faisant courir de fausses rumeurs qui lui causent un préjudice notamment en ternissant sa réputation. 
En conséquence, les magistrats estiment que ces pratiques ont conduit 48.440 clients de Free à quitter l'opérateur et attribue 5 millions d'euros de dommages et intérêts au quatrième opérateur.

A noter, Free a indiqué vendredi faire appel de ce jugement.

Source : TCom Paris, 22 février 2013, RG 2012-076280, SA Bouygues Telecom c/ SA Iliad, SASU Free et SASU Free Mobile






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