mardi 28 décembre 2010

Condamnation prononcée à l'encontre d'un internaute ayant usé d'adresses email trompeuses

Depuis plusieurs années, un litige opposait un particulier (Laurent X) au maire de la commune de Marignier et Conseiller Général du département de la Haute-Savoie, portant sur l'achat par cette collectivité locale d'une parcelle de terrain qui appartenait à la mère du particulier, destinée à l'aménagement d'une piste cyclable. Une promesse de vente était signée, mais le tracé initial permettant l'accès aux terrains dont ce dernier revendique la jouissance et sur lesquels il entend développer une entreprise de photographie aérienne n'aurait pas été respecté. Le particulier estimait alors qu'en l'absence de droit de passage son activité se retrouve enclavée et qu'il a subi un important préjudice financier.

Seulement, ce litige dégénéra progressivement en rancoeur personnelle contre le maire de la commune de Marignier. Une première condamnation était prononcée le 30 avril 2009 par la Cour d'appel de Chambery pour violences avec préméditation.

Une nouvelle plainte était déposée le 29 mars 2009 par le premier magistrat au motif que sous couvert de son identité des renseignements avaient été sollicités par internet auprès du responsable des activités foncières auprès de la société d'équipement du département de Haute-Savoie (SEDHS), en charge du dossier de la piste cyclable.

Les investigations établissaient qu'un individu utilisait l'adresse mail libellée cabinet.mudry@orange.fr pour envoyer des messages signés 'Raymond Mdry' et l'adresse mail gendarme4@orange.fr pour envoyer des messages au directeur des systèmes d'information au conseil général de la Haute-Savoie. Ces messages avaient pour but de soutirer des informations confidentielles destinées à alimenter le litige qui l'oppose aux élus depuis de nombreuses années.

Les réquisitions opérées par l'enquêteur spécialisé en nouvelles technologies permettaient d'identifier le particulier comme étant le créateur puis l'utilisateur de ces adresses électroniques. Le prévenu placé en garde à vue reconnaissait ensuite que ces adresses lui appartenaient, qu'il était l'auteur des messages envoyés dans le seul souci de rechercher la vérité, et qu'il avait obtenu des documents qui concernaient le dossier foncier de sa mère. Lors de l'audience, il contestait les faits qui lui étaient reprochés.

La Cour d'appel de Chambéry appelée à traiter de ce litige relève que le particulier "a créé deux adresses électroniques aux fins de tromper les destinataires de ses messages en leur faisant croire qu'ils étaient sollicités par le cabinet du maire de MARIGNIER ou par la gendarmerie de cette commune".

Qu'en la matière, "c'est par l'emploi de ces manoeuvres frauduleuses qu'il a ainsi obtenu du responsable des activités foncières à la SEDHS et du directeur des systèmes d'information au conseil général de la Haute-Savoie, des informations et des documents confidentiels destinés à alimenter le litige qu'il entretient avec la collectivité territoriale. C'est ainsi que par message du 25 mars 2009 il sollicitait sous couvert d'une adresse au nom du cabinet du maire de Marignier des informations qui lui étaient retournées par message en date du 26 mars 2009, accompagné de pièces jointes".

Les magistrats font alors application de l'article 313-1 du Code pénal. Cet article prévoit que :
"L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge."
Pour la Cour d'appel, il est établi que "par des manoeuvres frauduleuses, en l'espèce un stratagème informatique, le prévenu s'est fait remettre un bien quelconque, en l'espèce un document contenant des informations confidentielles et des pièces extraites d'un dossier administratif, à savoir un courrier et une promesse de vente".

Dans ces conditions, le délit d'escroquerie est bien caractérisé et la Cour d'appel de Chambéry a confirmé la condamnation pénale à six mois d'emprisonnement dont 5 mois avec sursis.

Source : CA Chambery, 25/11/2010, Laurent X c/ Ministère public, Société d'équipement du département de la Haute-Savoie et a. (inédit)

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