jeudi 16 décembre 2010

Banque en ligne : Natixis condamnée pour manquement à son obligation de sécurité

L'affaire est très intéressante car elle a le mérite de rappeler et de préciser les obligations à la charge du banquier en matière d'accès et de gestion de ses comptes par l'internet du site internet de la banque.

En l'espèce, un agent de la RATP avait constitué au cours de plusieurs années une épargne salariale par l'intermédiaire d'un compte d'épargne salariale "Tick Epargne" administré par une convention conclue entre son employeur et Natixis. Le 15 septembre 2006, elle constate un débit de la somme de 13.244,85 euros de son compte épargne temps au profit du compte bancaire de son époux avec lequel elle était en instance de divorce.

La titulaire du compte décida donc de saisir la justice à l'encontre de la banque afin d'obtenir le remboursement de la somme débitée sans son accord par son époux. Par jugement en date du 10 février 2009, le Tribunal d'instance d'Asnières déboutait la titulaire du compte de l'ensemble de ses demandes et la condamnait à verser à Natixis 400 euros au titre de l'article 700. Elle décida de faire appel.

Devant la Cour d'appel de Versailles, les magistrats ont une analyse différente du dossier. Tout d'abord, les magistrats écartent l'application de l'article 1421 du Code civil permettant à chacun des époux communs en biens d'administrer les biens communs. Cet article était invoqué par Natixis et permettait ainsi de considérer que l'ordre de virement avait toutes les apparences d'un ordre donné par le titulaire du compte ou du moins avec son accord.

Seulement, pour la Cour d'appel de Versailles, "le devoir de non-immixtion du banquier dans les affaires de ses clients n'est pas ici en cause, Mme X fondant son action non sur la violation par la société NATIXIS d'un devoir de contrôle ou de mise en garde, mais sur celle de l'obligation de sécurité due par toute banque imposant à ses clients la gestion informatique sur 'internet' de leurs comptes".

Et la Cour d'appel n'hésite pas. Elle rappelle ainsi que :
"dans un premier temps, l'épargnant qui souhaitait consulter en ligne ses comptes sur le site internet de la société intimée pouvait accéder à son espace sécurisé en saisissant ses identifiants tels que le numéro d'entreprise et le code serveur qui étaient mentionnés sur les relevés adressés à titre personnel au titulaire ; qu'ensuite, l'utilisateur devait nécessairement, s'il voulait effectuer une opération, utiliser un mot de passe ; qu'ainsi la réalisation de toute opération telle que demande de remboursement d'avoirs disponibles ou demandes de transfert, requéraient l'utilisation par l'épargnant du mot de passe, qu'on lui laissait créer lui-même lors de sa première connexion".

Ainsi, pour les juges "l'utilisation du compte épargne entreprise à l'insu de la titulaire, notamment par son époux, avec lequel elle était alors en instance de divorce, restait alors possible, tout tiers suffisamment proche de Mme X pour entrer en possession de ses relevés de compte n'ayant qu'à créer lui-même un premier mot de passe pour se rendre maître des sommes non bloquées qui étaient déposées sur ce dernier".

Par ailleurs, les magistrats relèvent que "la modification apportée à la procédure à compter du 3 novembre 2006 consistait à rendre obligatoire y compris pour la consultation des comptes, l'utilisation du mot de passe personnel, lequel ne pouvait plus être créé à sa guise par le titulaire, mais était communiqué par la banque au titulaire du compte par courrier séparé de celui portant le code identifiant ; que c'est la banque qui crée maintenant le mot de passe d'origine, que le client modifie ensuite s'il le veut".

Ainsi, la Cour d'appel en déduit que "l'intervention de cette modification démontre que la société NATIXIS INTEREPARGNE avait bien conscience de ce que dans une première période de gestion en ligne des comptes individuels de ses clients, elle ne remplissait pas totalement son obligation de sécurité et donc de sécurisation des opérations de gestion informatique de ces comptes".

La Cour d'appel de Versailles condamne donc la banque à rembourser à la titulaire du compte la moitié des sommes débitées frauduleusement par son époux (correspondant à la hauteur des sommes lui revenant à l'issue de la procédure de divorce) ainsi que 1.500 euros au titre de l'article 700 CPC.

Source : CA Versailles, 18 novembre 2010, X c/ SA NATIXIS INTEREPARGNE (inédit)

Aucun commentaire: