Tout ce petit monde se retrouva donc devant le Tribunal de grande instance de Paris qui a été appelé à essayer de démêler le fil de cette affaire et d'établir les responsabilités de chacun des intervenants.
1er point : y-a-t-il eu une atteinte au droit à l'image de la modèle ?
Florinda B. "explique être mannequin à plein temps depuis le mois de juin 2007 après avoir été "modèle et hôtesse événementielle depuis cinq années", et avoir accepté à la demande de Laurent H. de participer le 13 décembre 2006 à une séance photo en vue d'une éventuelle exploitation à des fins commerciales, le photographe lui ayant antérieurement précisé par mel, versé aux débats, qu'il travaillait pour une banque d'image en ligne, et notamment pour le site internet Fotolia".
Au mois d'octobre 2007, ayant appris que les photographies étaient disponibles sur Fotolia, elle adressera au photographe un courriel lui demandant de la joindre pour "voir ensemble la signature du contrat et l'argent (qu'il lui devait) si (il avait) avez vendu (ses) photos" auquel ce dernier a répondu le 5 janvier 2008 en ces termes : "j'aimerais pouvoir te voir et régler le problème de tes photos".
Le Tribunal relève que "aucune des parties n'établit qu'il y aurait eu un accord sur la chose et le prix entre le modèle et son photographe, alors que l'autorisation d'utilisation de l'image à des fins commerciales doit être expresse et précise avec, le cas échéant, l'indication des usages autorisés ou proscrits par le modèle, du champ géographique envisagé et de la durée maximale d'exploitation, et, en tout état de cause, du mode ou du quantum de rétribution en contre-partie de l'exploitation des droits cédés". Or, pour les magistrats :
"Il est de principe, s'agissant notamment des usages commerciaux de l'image de mannequins professionnels, que cette autorisation soit expresse et limitée dans le temps, la charge de la preuve de l'existence et de la portée de l'autorisation consentie reposant sur celui qui a fait publiquement usage de l'image en cause."
2e point : la responsabilité en "cascade".
Tout d'abord, le Tribunal estime que le premier responsable est le STIF, à savoir l'annonceur ayant fait usage de la photographie litigieuse :
"Ayant fait une exploitation publique et commerciale de la photographie de la demanderesse sans qu'une autorisation valable de l'intéressée ne l'y ait habilité, le STIF a nécessairement- fut-ce de bonne foi- porté atteinte aux droits de cette dernière et engagé de ce chef sa responsabilité sur le fondement de l'article 9 du code civil."Néanmoins, l'Agence Republic a aussi une responsabilité, dès lors qu'elle est tenue à une obligation de résultat quant à la fourniture des clichés :
"C'est à bon droit que le STIF sollicite la garantie pleine et entière de la société REPUBLIC, agence de communication, tenue à son égard d'une obligation de résultat, laquelle suppose de fournir à son client annonceur un cliché propre à l'usage auquel il était destiné"Or, l'Agence s'était fournie auprès de Fotolia. Quid de la responsabilité de Fotolia vis-à-vis de l'Agence ? Celle-ci est également retenue, les juges écartant l'application du statut de l'hébergeur à Fotolia.
Pour sa défense, Fotolia indique "qu'elle n'est nullement responsable du contenu de cette plate-forme, se bornant à permettre à des photographes d'y stocker leur production afin de concéder à des personnes physiques ou morales une licence d'exploitation sur ces oeuvres, ne servant que d'entremetteur passif" et donc qu'elle doit bénéficier du régime de responsabilité aménagé prévu à l'article 6.I.2 au profit des "hébergeurs".
Le Tribunal n'est pas de cet avis :
"Ce moyen sera rejeté, la société FOTOLIA LLC n'étant nullement, en l'espèce, un hébergeur de sites internet- auquel seul s'appliquent les dispositions légales invoquées-, mais un service de communication au public en ligne, c'est-à-dire, un site lui-même ("Site Web Fotolia" est-il écrit dans ses conditions générales d'utilisation), qui a défini son objet social, la configuration de ce site, les modalités et les tarifs de licence qu'elle impose aux photographes et à leurs clients potentiels par un contrat d'adhésion qu'elle a seule établi à l'égard des uns et des autres. Il sera notamment relevé qu' elle a mis en place un système de "crédits", mode de paiement du prix de la photographie qui varie de 0,83 à 4,15 euros selon le format du fichier et la licence choisie, qu'elle explique (sa pièce 18) que les fichiers ainsi acquis "pourront être utilisés par le client sans limite de temps ni de nombre de diffusions pour des utilisations aussi diverses que : la publicité, la réalisation de documents professionnels [...]", et que les photographes intéressés perçoivent, pour chaque fichier vendu, une commission compris entre 30 et 61% du prix de vente.
Ayant mis en ligne aux fins de téléchargement à usage commercial des photographies de la demanderesse sans disposer d'une autorisation valable de cette dernière, sa responsabilité sera, à ce titre, retenue."
En conséquence, "c'est à bon droit que l'agence REPUBLIC qui a acquis la photographie
litigieuse par téléchargement du site Fotolia sollicite la garantie contractuelle pleine et entière de la société FOTOLIA LLC", les juges estimant que les clauses des conditions générales du site Fotolia ne permettent pas au site de se dégager de sa responsabilité en la matière.
Et quid du photographe ? Le Tribunal considère que :
"compte tenu des contrats qui la lient avec les photographes, et aux termes desquels Laurent H. a nécessairement consenti puisqu'il lui a adressé un document supposé valoir autorisation d'exploitation de l'image de la demanderesse, la société FOTOLIA LLC sera à son tour intégralement garantie par ce dernier des condamnations pesant sur elle."Au final, les juges condamnent donc le STIF à verser à Florinda B. la somme de 1.000 euros au titre du préjudice moral et 2.500 euros au titre du préjudice financier. En paralèle, le juge condamne l'Agence Républic à garantir le STIF du paiement de ces sommes, condamne aussi Fotolia à garantir l'Agence Républic du paiement de ces sommes et, in fine, condamne le photographe à garantir le site Internet du paiement desdites sommes.
Source : TGI Paris, 17ech, 10/11/2010, Florinda X c/ Syndicat des transports d'Ile-de-France, SARL Fotolia, Société Fotolia LLC, SARL Republic et Laurent H. (inédit)
3 commentaires:
Excellent !
Un photographe qui paye 3500 € de dommages et intérêts pour avoir fait diffuser ses photos par un microstock.
A raison de 14 centimes d'euro par photo vendue, il lui faudra vendre 25000 photos pour payer la note!
et voila bien ce que c' est de vouloir gagner 3 cents pour que ces microschiottes n' assument rien !
dans une vraie agence !! (y' en a encore) si l' auteur stipule usage pub interdit par exemple et bien on peut être diffusé dans domaines moins 'problématiques' ou la personne ne sera pas 'lésée'
Si j'ai bien compris la fin avec toutes les "garanties" en cascade c'est le photographe qui va devoir payer les 3500 €...
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