mardi 4 janvier 2011

De l'appréciation de l'utilisation abusive du téléphone portable et de la messagerie électronique professionnels

Une salariée avait fait l'objet d'un licenciement pour faute grave, l'employeur lui reprochant une utilisation abusive des outils professionnels mis à sa disposition (messagerie professionnelle et téléphone portable). Elle décida de contester ce licenciement devant le conseil de prud'hommes de Valence, qui par jugement du 20 janvier 2010 a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave et a condamné son ex-employeur à lui verser diverses indemnités. La salarié décida de faire appel de ce jugement estimant que le licenciement ne reposait sur aucune faute.

L'employeur reprochait deux fautes à la salariée : une utilisation abusive de la messagerie professionnelle à des fins personnelles et une utilisation abusive du téléphone portable mis à sa disposition.

En ce qui concerne l'utilisation abusive de la messagerie électronique, l'employeur reprochait à la salarié d'avoir envoyé un email à son supérieur hiérarchique intitulé "On aurait besoin d'un chef comme lui", accompagné d'une pièce jointe reproduisant divers propos sur l'immigration, attribués au

premier ministre australien. L'employeur estima que ce message était "contraire à ses valeurs et à son image et dénonce en même temps l'utilisation de la messagerie professionnelle à des fins personnelles". De son côté, la salarié expliqua que "par mégarde, elle a fait suivre à son supérieur hiérarchique le message qui était destiné à l'une de ses connaissances, ce que l'employeur ne conteste d'ailleurs pas".

La Cour d'appel retient que "la réalité de l'erreur est établie par la formulation du message de transmission qui est la suivante : 'Bonjour Jean-Jacques, Voila les pensées de mon père. Chacun sa terre promise.'".

En outre :
"Attendu d'une part que rien dans le règlement intérieur de l'entreprise n'interdit aux salariés de se servir de leur messagerie professionnelle pour envoyer ou recevoir des messages à caractère personnel ;
qu'il ne peut donc être reproché à la salariée d'avoir fait suivre à un tiers le message qu'elle avait reçu de son père ;
qu'il importe peu en l'espèce que par suite d'une erreur, le message ait été expédié à l'adresse professionnelle de son supérieur hiérarchique , alors que ce dernier n'est en rien visé ou concerné par le contenu du message"
Et que même si l'employeur "juge le contenu du message intolérable voire scandaleux et contraire à ses valeurs, il n'en demeure pas moins qu'en dépit de l'erreur de transmission, il s'agit d'un message privé dont elle ne peut faire état". Dans ces conditions, les juges estiment que le grief exposé par l'employeur n'est pas sérieux.

En ce qui concerne l'utilisation abusive du téléphone portable, l'employeur indique que "la facture de téléphone s'élevait à 534,77 euros pour le mois d'août 2008 et estime que sur cette somme, 'plus de 230 euros' correspondent à des appels personnels" néanmoins sans produire un quelconque relevé corrobant ses affirmations.

Néanmoins, la salariée admet avoir utilisé son téléphone professionnel "pendant son déplacement en Egypte au mois d'août 2008 car s'est trouvée dans l'obligation de joindre son père malade". Pour les juges, "cette situation se rattache en tout état de cause aux cas graves et urgents dans lesquels le règlement intérieur autorise l'usage du téléphone professionnel à des fins privées"

Et surtout, les juges relèvent que l'employeur n'ayant pas fourni de carte SIM afférente à son abonnement téléphonique professionnel, la salariée a été contrainte de faire elle-même l'acquisition d'un téléphone portable pour le prix de 189 euros.

Dès lors, les juges estiment que

"Attendu qu'une entreprise qui impose à une salariée de faire l'acquisition d'un matériel destiné à un usage professionnel, est pour le moins mal venue de reprocher à cette même salariée, une utilisation personnelle au demeurant non chiffrée, de son abonnement téléphonique".
La Cour d'appel estime donc que le licenciement était dépourvu de toute cause sérieuse. Elle condamne l'employeur à verser 45.000 euros à la salariée licenciée abusivement et au remboursement des allocations chômage versées pendant 6 mois.

Source : CA Grenoble, 22/11/2010, Catherine X c/ SAS BCBG Max Azria Group (inédit)

Aucun commentaire: