A l'occasion de la discussion de la Proposition de loi complétant la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, le rapporteur désigné au sein de la Commission des affaires culturelles du Sénat a examiné l'application de ce texte au monde numérique. Plusieurs points peuvent être relevés.
Application du texte aux messages d'erreurs générés par l'ordinateur
La circulaire de 1996 avait précisé que les modes d'utilisation des logiciels d'application et des logiciels d'exploitation devaient être établis en français. Le rapporteur demande au Gouvernement de préciser que cette obligation s'applique bien à l'ensemble des messages, y compris les messages d'erreur, qui sont délivrés par voie électronique et qui apportent à l'utilisateur une information de nature à l'aider dans l'utilisation de son ordinateur et des logiciels qui y sont installés.
Concernant, les messages d'erreur système qui dénoncent un dysfonctionnement grave du coeur de l'ordinateur, le rapporteur estime qu'une traduction en français pourrait, compte tenu des problèmes techniques qu'elle soulève, ne pas être exigée, dès lors que les messages en question présenteraient une dimension hautement technique et ne s'adresseraient, en pratique, pas à l'utilisateur final mais à un professionnel de l'informatique, pour le guider dans la restauration du système.
Application du texte aux messages d'erreurs adressés par courrier électronique
Cette question avait déjà été abordée dans une réponse ministérielle où le ministre de la culture et de la communication avait posé le principe que l'emploi du français s'imposait dans tous les messages délivrés à un internaute dans le cadre de l'utilisation d'un service de messagerie électronique. Il considérait à juste titre que le "message, délivré par voie électronique, apporte à l'internaute une information de nature à l'aider dans son utilisation du service fourni".
Néanmoins, la pratique est loin de cette théorie. En effet, "compte tenu de la dimension internationale et du fonctionnement du réseau Internet, comment imposer en effet l'emploi du français dans des messages générés dans le cadre d'une communication entre serveurs distants ?", relève le Sénat. "Faut-il envisager d'imposer au serveur d'un client français l'obligation de traduire les messages des serveurs distants qu'il transmet ?"
Face à ces questions, la commission souhaite qu'une réflexion s'engage rapidement, de façon à fixer un cadre réaliste aux prescriptions linguistiques applicables aux services en ligne.
Application au commerce électronique
Compte tenu de son importance croissante, le commerce électronique constitue l'un des domaines cruciaux pour le respect effectif de la loi sur l'emploi de la langue française.
Dans son rapport sur « Internet et les réseaux numériques », le Conseil d'Etat partait du constat que si la loi française était théoriquement applicable à des sites étrangers accessibles sur le territoire national, la sanction de sa violation par ces derniers était en pratique irréaliste, particulièrement dans le cas de services téléchargés en ligne. Il préconisait en conséquence de restreindre le champ d'application de la loi du 4 août 1994 précitée en limitant les prescriptions de la loi aux seuls messages des services en ligne expressément destinés au consommateur français.
La Commission des affaires culturelles juge tout à fait pertinentes les questions soulevées par le rapport du Conseil d'Etat. Pour autant les voies qu'il préconise dans la recherche d'une solution ne lui paraissent pas de nature à clarifier véritablement les choses, le critère du consommateur destinataire n'étant pas en pratique facile à déterminer. Elle relève d'ailleurs que la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique a choisi, pour ces raisons, de privilégier un critère lié au lieu d'établissement du prestataire de service. Celle-ci a posé le principe, dans son article 3, que les services de la société de l'information fournis par un prestataire étaient assujettis aux dispositions nationales de l'Etat membre sur le territoire duquel il est établi.
C'est ce principe que la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique a transposé dans le droit français. Son article 17 dispose que le commerce électronique (consistant dans la fourniture à distance de biens et services par voie électronique ou dans la fourniture d'informations en ligne) est soumis à la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel la personne qui l'exerce est établie, sous réserve de la commune intention de cette personne et de celle à qui sont destinés les biens et services.
Cette disposition entraîne l'obligation d'employer le français dans l'exercice de son activité de commerce électronique à toute personne établie en France, c'est-à-dire au sens qu'en donne l'article 14 de la loi de 2004 précitée :
- à toute personne installée en France d'une manière durable et stable pour y exercer effectivement son activité ;
- à toute personne morale dont le siège social est implanté en France.
Le contrôle du respect de cette obligation par l'administration française et par les agents de la DGCCRF ne devrait pas poser de difficultés.
La question de l'application de l'article 2 de la « loi Toubon » de 1994 aux transactions commerciales passées entre un consommateur français et un prestataire établi dans un autre Etat s'avère en revanche plus délicate. Certes, ce prestataire n'est, en première analyse, pas soumis à la loi française mais à celle de l'Etat dans lequel il est établi. L'article 17 de la loi de 2004 sur la confiance dans l'économie numérique précise toutefois que la compétence de principe de la loi du pays d'établissement ne peut avoir pour effet « de priver un consommateur ayant sa résidence habituelle sur le territoire national de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi française relatives aux obligations contractuelles, conformément aux engagements internationaux souscrits par la France ». L'article 20 de la « loi Toubon » précisant que cette dernière est d'ordre public, ne doit-on pas considérer que le consommateur français peut se réclamer des garanties qu'elle apporte, même quand il procède à un achat par voie électronique auprès d'un prestataire étranger ?
Pour le Sénat, cette exigence paraîtrait paradoxale dans le cas d'un consommateur qui se serait connecté à un site extérieur entièrement rédigé dans une langue étrangère. Elle serait sans doute plus légitime si la transaction en question avait été précédée d'une offre commerciale présentée en français. Au demeurant, ajoute le rapporteur, "le contrôle du respect effectif de cette obligation par un prestataire établi en dehors du territoire national ne pourrait être assuré que par le développement d'une coopération administrative transfrontière entre les services du ministère de l'économie français et ses homologues européens ou étrangers. Il convient donc de les développer".
Le Sénat propose donc de lancer une réflexion pour l'application de ces dispositions au commerce électronique.
Une seule modification proposée
L'article 2 de la loi du 4 août 1994 précise que ses prescriptions s'appliquent à « toute publicité parlée, écrite, ou audiovisuelle ». La notion de publicité audiovisuelle englobait initialement toute forme de publicité empruntant des réseaux électroniques, du fait de la définition très large que donnait de l'audiovisuel la loi n° 86-1667 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Depuis lors, toutefois, la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique a réservé la notion de communication audiovisuelle aux seuls services de radio et de télévision, et érigé en notion distincte la communication au public par voie électronique définie comme « toute mise à disposition du public ou de catégories du public, par un procédé de communication électronique de signes, de signaux, d'écrits, d'images et de sons de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée ».
Pour éviter qu'un doute ne s'installe sur l'application des prescriptions de l'article 2 de la « loi Toubon » à la publicité électronique, la Commission des affaires culturelles propose d'ajouter aux mots « publicité écrite, parlée et audiovisuelle » les mots « publicité par voie électronique ».
1 commentaire:
ce qui m'étonne un peu, c'est que la loi Toubon avait conduit à une francisation des titres de films, qui a été assez rapidement abandonnée.
l'idée de la traduction en soi n'est pas mauvaise, mais, outre les risques d'ambiguité des messages traduits (qui ne seront pas forcément plus parlants en français qu'en anglais), il est assez difficile de s'abstarire d'une bonne connaissance de l'anglais à partir d'un certain niveau technique en informatique (pour l'accès aux docs, mailing lists, etc).
n f ( pookicat at yahoo point fr )
Enregistrer un commentaire