vendredi 5 septembre 2008

Paracommercialisme : les brocanteurs assignent eBay

Le Collectif des Brocanteurs et Antiquaires (CBA) et le Groupement des Brocanteurs de Saleya (GBS) viennent d’assigner eBay France devant le Tribunal de Commerce de Paris. Ces deux groupements sollicitent du tribunal des mesures tendant à ordonner la suspension des ventes entre particuliers sur eBay France sauf, pour eBay à justifier de "mesures efficaces" pour lutter contre le paracommercialisme et le travail dissimulé.

Les deux associations demandent que le site procède à un meilleur contrôle de l'activité de leurs vendeurs particuliers, estimant que les mesures annoncées par eBay étaient insuffisantes. Pour mémoire, eBay avait annoncé au mois de février la mise en oeuvre d'un seuil à partir duquel les vendeurs seraient présumés être des vendeurs professionnels. Ce seuil fixé à 2.000 euros par mois pendant 3 mois consécutifs est considéré comme trop élevé par les demandeurs.

Rappelons qu'au mois de mars 2008, eBay avait publié une étude Nielsen sur les vendeurs professionnels. Ceux-ci indiquaient à 60% réaliser moins de 2.000 € par mois de chiffre d'affaire (la moyenne médiane se situant à 1.476€).

Aujourd'hui ce seuil de 2.000 € fait débat.

En effet, sur le plan juridique, le caractère professionnel d'une activité ne se déduit pas exclusivement des gains réalisés au travers de cette activité. 2000€, cela peut aussi bien concerner un internaute qui revend des produits sortis de son grenier que le cas d'un particulier qui met en vente, de manière régulière et répétée, des produits culturels pour atteindre 300 ventes par mois.

Le principe d'un seuil de "chiffre d'affaire" peut paraître très insuffisant :
- le montant des ventes ne reflète pas la marge réalisée par le vendeur ;
- le montant des ventes ne reflète qu’une partie du "potentiel" chiffre d’affaires réalisable par un vendeur (ne donne que la vision des produits effectivement vendus et non le montant des gains potentiel en fonction de tous les produits proposés à la vente et non vendus). En moyenne, sur des plates-formes, c'est 1/3 des produits mis en vente pendant une période qui se vendent.
- le montant des ventes va varier en fonction des catégories : 250 ventes par mois de livres ou d'ordinateurs ne donneront pas le même chiffre d'affaire, mais il a fort à parier que les deux vendeurs pourront être des professionnels.

Ce qui fait peur, c'est également le risque d'institutionnalisation de ce seuil des 2.000€. Marc Rees de PCInpact le rappelait récemment : "Un particulier qui ferait 1000 euros de revenus chaque mois sera toujours requalifiable en professionnel selon le droit commercial" avant de citer les propos d'un responsable d'eBay rappelant cette réalité : même en dessous des 2.000€ on peut être professionnel. Des décisions de justice ont eu l'occasion de le rappeler en sanctionnant des vendeurs pour travail dissimulé non pas en raison du chiffre d'affaire réalisé mais au regard du volume de biens proposés à la vente et/ou vendus.

Seulement, l'ambiguïté demeure. On peut prendre pour exemple une réponse ministérielle du 19 août 2008 où la ministre de l'Economie, de l'industrie et de l'emploi répondait à une question du député Marc Le Fur sur la lutte contre le travail dissimulé sur les plates-formes de commerce électronique.

On peut y lire : "Le site de vente aux enchères eBay a-t-il récemment incité les particuliers réalisant un chiffre d'affaires de 2 000 euros mensuels générés sur trois mois consécutifs à changer de statut. Désormais, à partir de ce seuil, le vendeur sera considéré comme professionnel". La deuxième phrase de cette citation est sans doute une consécration de la crainte évoquée. Si cette phrase était sortie de son contexte, on pourrait facilement en conclure que le Gouvernement reprend à son compte le mécanisme de seuils décidé par eBay. Pensez l'inverse pourrait exposer certains vendeurs à de vraies difficultés juridiques et remettrait en cause la légitimité même du statut de l'auto-entrepreneur conçu pour des professionnels réalisant des montants très faibles de chiffre d'affaire.

Précisions que d'ici quelques semaines, la FEVAD reprend ses travaux de suivi de la Charte "CtoC" signée le 8 juin 2006. Cette question figurera sans nul doute à l'ordre du jour de ce travail commun à l'ensemble des sites.

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