lundi 21 février 2011

"Please RT" ou le droit de réponse appliqué aux tweets

En début de semaine, à un moment où les esprits ne sont pas encore bien réveillés, il est toujours intéressant de vouloir faire un peu de gymnastique intellectuelle. L'histoire du jour est simple : peut-on exercer un droit de réponse sur Twitter ?

Twitter, tout le monde le connaît. Le fameux réseau de communication utilisant des "statuts" de moins de 140 caractères. Les personnes inscrites y publient leurs dernières informations, envoient des messages à d'autres ou "retweettent" et donc, rediffusent, les messages d'autres utilisateurs de tweetter. A un moment, cela peut déraper. Cela s'est vu à plusieurs reprises. Des fausses annonces, des messages violents, etc.

Si l'on se place sur le terrain législatif, on pourrait s'intéresser à la manière dont on pourrait faire usage de l'article 6.IV de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN). Cet article institue, tout simplement, un droit de réponse en ligne. L'article prévoit cela :
IV.-Toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d'un droit de réponse, sans préjudice des demandes de correction ou de suppression du message qu'elle peut adresser au service.
La demande d'exercice du droit de réponse est adressée au directeur de la publication ou, lorsque la personne éditant à titre non professionnel a conservé l'anonymat, à la personne mentionnée au 2 du I qui la transmet sans délai au directeur de la publication. Elle est présentée au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du public du message justifiant cette demande.
Le directeur de la publication est tenu d'insérer dans les trois jours de leur réception les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le service de communication au public en ligne sous peine d'une amende de 3 750 Euros, sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l'article pourrait donner lieu.
Les conditions d'insertion de la réponse sont celles prévues par l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 précitée. La réponse sera toujours gratuite.
Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent IV.
En résumé, toute personne citée sur un service de communication au public en ligne, c'est à dire sur un site internet, peut demander à exercer son droit de réponse. Il est adressé soit à l'éditeur du contenu, soit à l'hébergeur. Et l'éditeur du contenu a 3 jours, sous peine de sanction pénale, pour insérer ledit droit de réponse.

Un décret du 24 octobre 2007 est venu préciser les conditions d'exercice de ce droit. La réponse prend la forme d'un message limité à la taille du message initial et doit être mise à la disposition du public dans des conditions similaires au message original. Enfin, la réponse est "soit publiée à la suite du message en cause, soit accessible à partir de celui-ci".

Et en matière de tweets alors ? Comment faire ? Dès lors qu'un utilisateur rédige dans sa timeline un message public (c'est à dire que la timeline s'apparente à une communication au public en ligne et non, au regard de la communauté d'intérêt liant le titulaire du compte et ses followers, une correspondance privée) et visant une personne nommée (ou désignée par le biais de son nom d'utilisateur), cette dernière est en droit d'exiger un droit de réponse.

La personne désignée peut donc exiger que le titulaire du compte publie cette réponse au même endroit (donc, sous la forme d'un tweet également) avec le même nombre de caractères. Le point délicat demeurera l'obligation de lier le message d'origine au droit de réponse.

En effet, compte tenu de l'impossibilité d'associer directement deux messages dans sa Timeline (sauf sous la forme d'un lien mais limitant alors le nombre de caractères disponibles pour le message en réponse), on peut  imaginer que cette obligation sera difficilement respectée.

Une autre solution consisterait alors à la personne dénommée de répondre directement au tweet incriminé et de demander à l'auteur du tweet incriminé de le retweetter et ainsi rediffuser la réponse à l'ensemble de ses followers. L'intérêt, pour la personne dénommée, est de conserver la maîtrise du contenu de la réponse et ainsi de permettre sa diffusion auprès de tous les followers de l'auteur du message d'origine. Le "Please RT" trouverait alors un usage juridique .. unique !

La limite à cet exercice demeure également les nombreux "retweets" que le message initial a pu connaître. Néanmoins, dès lors que le tweet initial a été volontairement retweetté, la personne dénommée serait légitime à contacter chacun des auteurs de retweets afin d'obtenir de leur part l'insertion du droit de réponse tant désiré.

Un exercice de fiction juridique mais qui mériterait, sans nul doute, d'être mis en oeuvre. Juste pour permettre aux nombreux twitteurs juridiques de faire quelques tweets. Et dans ce cas là, n'oubliez pas un "cc @btabaka".

2 commentaires:

Martin a dit…

Je ne connaissais pas les détails du droit de réponse. Mais cela est intéressant, notamment d'un point de vue du référencement naturel, mon domaine.

Ainsi, tous ceux qui parlent de quelqu'un seraient obligés d'insérer un droit de réponse. Or, sur le web, les liens favorisent le classement des pages liées dans les résultats des moteurs de recherche. Les Tweets eux aussi sont pris en compte. Ainsi, on pourrait abuser de ce droit de réponse pour imposer la publication (via un "Please RT") de liens sur Twitter (et ailleurs), et donc de forcer de fait les autres, enfin ceux qui ont parlé de soi, à faire sa propre promotion.

Ainsi, lorsqu'un twittos parle d'une marque ou d'une entreprise, en bien ou en mal, celle-ci pourrait l'obliger à publier un droit de réponse, pourquoi pas sous la forme d'un message accompagné d'un lien vers son site et ainsi le forcer à participer à améliorer la visibilité de cette marque ou de cette entreprise, notamment sur les moteurs de recherche.

Autant cela n'a pas un sens particulièrement intéressant quand on cible les clients finaux, autant cela peut valoir le coup lorsqu'on cible précisément ses propres concurrents qui auraient... Car obtenir un lien d'un concurrent est souvent mission impossible. Voilà qui le devient via le droit de réponse.

Désolé, ma réflexion se limite au référencement, et non à la loi qui n'est manifestement pas mon métier.

Eric FREYSSINET a dit…

Selon le client utilisé en réalité, une réponse à un tweet sera liée ou non au tweet original. Ainsi, dans l'interface web, si on fait "Répondre" un lien est conservé entre les deux messages. Il apparaîtra (dans l'interface web et dans certains clients) un symbole qui affiche qu'il s'agit d'une conversation et on peut afficher les messages de la conversation en cliquant dessus.
L'avantage est que ça ne prend aucun des 140 caractères, c'est inclus dans le protocole lui-même, donc dans une sorte d'en-tête du tweet.