lundi 25 février 2013

Faux chèque de banque : nouvelle condamnation d'une banque

La fraude est connue depuis longtemps. Mais des consommateurs continuent d'être les victimes de cette arnaque dite "à la nigérianne" ou au faux chèque de banque.  Face aux sommes en jeu, souvent plusieurs milliers d'euros, des victimes décident de saisir la justice afin de faire retenir la responsabilité des banques et tenter d'obtenir des dédommagements. Depuis des années, les contentieux se suivent mais les réponses divergent (responsabilité de la banque vs absence de responsabilité), bien souvent en raison d'une analyse au cas par cas des faits de l'affaire.


A la fin de l'année 2012, la Cour d'appel de Douai a été appelée à examiner une nouvelle affaire concluant, cette fois-ci, à une responsabilité de la banque.

En 2009, un internaute décide de mettre en vente sa voiture sur internet. Il est alors contacté par un acquéreur, M. James PAUL se présentant comme de nationalité américaine et domicilié en Côte d'Ivoire. Un accord est rapidement conclu pour un prix de 36 850 € représentant le prix de vente et de transport du véhicule.

Le 20 avril 2009, l'internaute reçoit alors un chèque de banque et le dépose sur son compte bancaire ouvert auprès de la BNP Paribas. Le 30 avril, la banque porte le montant du chèque au crédit de son compte.


Après que le chèque de banque ait été passé au crédit de son compte, l'acquéreur du véhicule contacte l'internaute pour annuler la vente, arguant de problèmes médicaux rencontrés par des personnes de sa famille et lui demande, au titre du remboursement du prix de la vente, d'adresser des mandats à des professionnels de santé ayant soigné sa famille. 

L'internaute décide donc d'émettre des mandats et invoque le fait qu'il avait interrogé sa banque pour savoir s'il pouvait procéder ainsi. Problème, le 22 juin 2009, sa banque lui notifie le rejet du chèque de banque car il s'agit d'un faux chèque et procède au débit de son compte. 


En première instance, l'internaute tente de faire reconnaître la responsabilité de sa banque. Sans succès. En cour d'appel, il a plus de chances.

Les juges relèvent:
Si cette demande de paiement au moyen d'un chèque de banque constitue un acte prudent de la part du vendeur, il convient de relever que le seul fait de demander à l'acquéreur un chèque de banque ne garantit pas pour autant le fait que ce chèque sera effectivement payé.

En effet, il existe de faux chèques de banque et dans ces conditions la garantie habituelle attachée au chèque de banque ne peut jouer, celui-ci n'ayant pas dans ce cas une sécurité absolue.
Par la suite, les magistrats retiennent que "si lors de la remise du chèque de 36 850 € au crédit de son compte, l'établissement bancaire lui avait expliqué qu'il fallait attendre un certain délai avant de savoir si le chèque serait effectivement payé ou non, s'agissant certes d'un chèque de banque mais émis par une banque étrangère, il n'aurait alors pas envoyé de l'argent à des tiers par le biais de mandats".

Les juges pointent le fait que "aucune mention de ce relevé de compte n'indique à X qu'il doit attendre avant d'avoir la certitude que le chèque sera payé et il n'est justifié d'aucune information de ce type délivrée lors du dépôt du chèque par X au crédit de son compte. En particulier, il n'existe aucune mention 'sous réserve d'encaissement' mentionnée en regard de la remise du chèque de 36 850 €".

Dans ces conditions, la cour d'appel retient que l'internaute "n'a reçu aucune information et aucun conseil quant aux effets de la remise à l'encaissement d'un chèque de banque en provenance d'une banque étrangère".

Ainsi, "alors que le chèque a été porté au crédit du compte le 30 avril 2009, la banque a manqué de diligence en n'informant celui-ci de ce que le chèque était faux que le 26 mai 2009 par téléphone puis par courrier le 22 juin 2009. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la responsabilité de la banque BNP Paribas est engagée".

La Cour d'appel de Douai condamne donc la BNP Paribas à indemniser l'internaute victime. Pour évaluer le préjudice, les juges considèrent qu'en "cas de manquement d'un professionnel au devoir de conseil et d'information, le préjudice ne peut jamais être égal à la perte subie ou au gain manqué mais consiste en la perte de chance pour le client en l'espèce d'avoir pu attendre que l'encaissement du chèque lui soit confirmé avant d'adresser des mandats. La perte de chance doit être évaluée à 85 % et ce coefficient sera appliqué au préjudice".

Source : CA Douai, 8 novembre 2012, Marcel X c/ SA BNP Paribas, RG 11/08033

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