mercredi 30 août 2006

Machine à laver, droit des marques et Google

Le 12 juillet 2006, le Tribunal de grande instance de Paris a condamné à la demande du GIFAM et de plusieurs fabricants d'électroménager, le moteur de recherche Google suite à l'achat par divers annonceurs de mots clés constitutifs des marques dont lesdits fabricants sont titulaires. Dans cette décision, les juges vont assez loin car il semble que ceux-ci demandent à Google d'opérer un contrôle a priori de l'ensemble des annonces qu'ils publient. Une précision devrait néanmoins être prochainement apportée par la justice sur ce point.

Pour ma part, je m'arrêterais sur deux éléments. Tout d'abord, les juges considèrent que la notion de "liens commerciaux" est constitutif d'une publicité de nature à induire en erreur le consommateur. En effet, les juges estiment que "l’intitulé "liens commerciaux" est en lui-même trompeur car il porte l’internaute à croire qu’il existe un lien de nature commerciale entre les sites résultant de la recherche sur le moteur de recherche "naturel" de Google et les sites regroupés sous cette bannière".

En l'espèce, les fabricants mettent en avant que les sites internet utilisant une marque comme mot clé ne vendent pas systématiquement le produit de ladite marque. Ainsi, les juges relèvent l'exemple d'Electrolux : "résultats sur le moteur de recherche "electrolux.com", site de la société Electrolux ; société "maismoinscher.com" affichée en lien commercial : pas de produit Electrolux proposé sur ce site".

Ainsi, pour le tribunal :

la société Google en ayant choisi le terme "liens commerciaux" pour regrouper les annonces publicitaires paraissant sur l’écran de résultats des recherches sur son moteur et en regroupant sous ce terme des annonceurs dont certains n’ont pas l’autorisation d’utiliser le signe, objet de droit privatif constituant le mot clé permettant un tel affichage a commis des actes de publicité mensongère au sens des textes précités au préjudice de chacune des sociétés demanderesses et de l’ensemble de la profession des industriels d’électroménager.


Plus généralement, cette affaire fait naître une vraie question. En interdisant à Google de vendre comme mot clé, le nom de telle ou telle marque d'électroménager, cette décision a un impact plutôt fort sur le référencement des cyber-marchands du secteur. Elle interdit en effet, de facto, à tout annonceur de pouvoir dire - par l'intermédiaire de liens commerciaux ou sponsorisés - qu'ils vendent des produits Electrolux ou autre.

Pour le vendeur, cela peut être constitutif d'un manque de visibilité. Pour le fabricant l'effet peut être tout aussi radical : les internautes recherchant un cyber-marchand vendant une des marques à l’origine de la décision le trouvera plus difficilement. Ces consommateurs auront alors peut-être tendance à se retourner auprès d’autres marques (encore présentes dans les liens sponsorisés) afin potentiellement de trouver un cyber-marchand chez qui acheter leur machine à laver.

Il ne fait pas de doute que les fabricants incriminés ré-ouvriront le robinet des liens sponsorisés mais ceux-ci pourront être tentés d’obtenir au préalable des gages de la part des vendeurs (engagement à toujours proposer des produits de la marque pour pouvoir utiliser ladite marque comme mot clé dans un lien sponsorisé). Là où finalement, ce contrôle a priori de l'usage de la marque était le fait des seuls secteurs relevant de la distribution sélective, il est à la portée de tous (et ceci est d'autant plus facilité par le point central que constitue Google sur qui les marques peuvent s'appuyer pour assurer l'efficacité de leur contrôle).

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