jeudi 29 septembre 2011

Et si on réformait vraiment la copie privée ? A l'asSacem !

"A l'asSacem !". Ainsi titrait le Canard Enchaîné en 1984 lors du début du débat autour d'un projet de loi réformant la loi de 1957 sur le droit d'auteur. Ce projet qui instituera la rémunération pour copie privée (dite "taxe SACEM", RCP, etc.) par une loi du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle. Son régime figure aux articles L. 311-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

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Source : Profond Wathever sur Flickr (cc)

En effet, aux termes de l'article L. 311-1 du Code de la propriété intellectuelle, "Les auteurs et les artistes-interprètes des oeuvres fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes, ainsi que les producteurs de ces phonogrammes ou vidéogrammes, ont droit à une rémunération au titre de la reproduction desdites oeuvres, réalisées dans les conditions mentionnées au 2° de l'article L. 122-5 et au 2° de l'article L. 211-3", c'est à dire lorsque la reproduction des oeuvres est réalisée en application de l'exception dite de "copie privée".

La copie privée n'est pas définie par un texte. La jurisprudence l'a alors fait de manière restrictive, s'agissant d'une exception à un droit d'auteur (lui même rattaché au principe constitutionnel du droit de propriété). La copie privée est la copie réalisée par le copiste pour son usage propre. Certains juges, notamment face à des sociétés offrant à des particuliers la possibilité de réaliser des copies de leurs CDs, ont ajouté un critère complémentaire. La copie privée doit être réalisée par le copiste avec ses propres moyens.

Cette rémunération pour copie privée, initialement prévue pour les cassettes audios et VHS vierges, s'appliquent à quasiment tous les supports d'enregistrement allant du disque dur externe à la tablette PC voire la box de votre fournisseur d'accès à l'internet. D'années en années, la Commission "Copie privée" qui détermine le montant et les nouveaux supports assujettis a progressivement étendu le périmètre de la rémunération. En échange, et notamment à l'initiative soit des consommateurs, soit des distributeurs desdits produits, des contentieux ont éclaté devant le Conseil d'Etat afin de faire annuler les dernières décisions de la Commission "Copie privée".

La rémunération pour copie privée est à la charge de l'acquéreur du support d'enregistrement, à savoir le consommateur (y compris lorsque le consommateur achète ces produits en dehors de la France et l'importe sur le territoire français). Les professionnels sont, quant à eux, exonérés du paiement de cette rémunération.

L'enjeu du débat n'est pas neutre. La rémunération pour copie privée représente environ 200 millions d'euros chaque année. 25% de ces sommes sont destinées à financer des actions en faveur de la culture. Les 75% sont répartis entre les divers ayants droit (auteurs, interprètes, producteurs, etc.).

Enfin, cette rémunération pour copie privée n'est pas une exception française. Plusieurs pays européens ont des rémunérations similaires mais avec des montants quelques fois plus faibles faisant, par exemple, que le marché des CDs et DVDs vierges s'est déporté auprès de vendeurs situés en Belgique, au Luxembourg ou en Allemagne - entraînant, par effet ricochet, la disparition de ces produits des catalogues des marchands et en particulier cybermarchands français.

Ce résumé succinct, peut être trop succinct, ne reflète pas la problématique à laquelle les divers acteurs sont aujourd'hui confrontés. D'une part, l'usage des supports de stockage évolue rapidement. Les particuliers achètent de moins en moins (voire plus du tout) de cassettes audio vierges et de plus en plus de smartphone ou de tablettes PC où seront stockés des fichiers musicaux achetés sur des plates-formes de téléchargement. D'autre part, les fichiers ainsi "copiés" sur ces supports d'enregistrement ne proviennent pas systématiquement d'un usage licite : en clair, la copie d'un fichier diffusé illégalement sur internet est elle même "illicite" et, cette copie illicite ne peut être source d'une quelconque rémunération au profit des ayants droit. Comme on dit en droit : fraus omnia corrompit (la fraude corrompt tout).

Un autre élément arrive en plein milieu de ce débat : le développement du stockage dans le "cloud" notamment au travers de services comme iMusic ou Google Music bousculant alors l'assiette de la rémunération pour copie privée, et surtout la collecte de cette rémunération auprès d'acteur domiciliés fiscalement dans d'autres Etats que la France.

Enfin, pour finir ce panorama, on peut citer le lobbying aujourd'hui mené par certains ayants droit, en particulier l'ADAMI, afin que la rémunération pour copie privée ne soit plus une rémunération "sur le stockage, mais sur l'accès aux oeuvres", notamment pour tenir compte des nouveaux usages comme le Cloud.

La question qui se pose alors aujourd'hui, notamment dans la perspective des élections présidentielles, est simple : faut-il réformer la rémunération pour copie privée ? faut-il la transformer en "taxe à l'accès" comme a pu le proposer l'UMP à l'occasion de sa convention "Culture" ?

Essayons un peu de mettre un pied dans ce sujet, ce débat brûlant. Mais uniquement sur trois sujets.

Une rémunération pour copie privée, mais pourquoi ?

C'est sans doute la première question qu'il faut se poser. Pourquoi devons-nous payer une telle rémunération lorsque nous achetons un support amovible d'enregistrement ? Selon le site CopiePrivée.org, "Si cette rémunération existe, rappelons d’abord que c’est parce qu’un des principes fondamentaux des droits des auteurs, artistes interprètes et producteurs est que toute utilisation de leurs œuvres ou prestations mérite rémunération.".

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Source : jbonnain sur flickr (cc)

Sur le plan purement juridique, la copie privée n'est pas un droit. La Cour de cassation avait eu l'occasion de le rappeler à propos de dispositifs anti-copie de certains DVD. La copie privée est une exception à un droit, à savoir le droit de reproduction qui est un élément des droits patrimoniaux du droit d'auteur. Pour faire simple, le droit d'auteur est le droit qui est attribué au créateur d'une oeuvre de décider de l'usage qui peut être fait de son oeuvre. Ainsi, seul l'auteur peut autoriser les représentations (diffusion) ou les reproductions (copie) de son oeuvre. La loi a néanmoins aménagé ce droit afin également de le rendre pratique. Elle a donc créé une exception dite de copie privée afin de permettre à un consommateur de pouvoir - sans demander un accord systématique de l'auteur - faire une reproduction à usage purement privatif de l'oeuvre. Sans doute était-il considéré à l'époque que l'impact économique serait faible.

Seulement, en 1985, les systèmes de copie ont évolué et l'industrie musicale (principalement) commence à se plaindre des effets pervers des enregistrements et autres magnétoscopes. En 1984, le député Charles Metzinger, rapporteur pour avis à l'Assemblée nationale, expliquait ainsi la création de cette rémunération :
"En ce qui concerne la rémunération des auteurs, producteurs et artistes pour l'exploitation des oeuvres réalisées sous la forme de copie privée, il convient en premier lieu de préciser qu'il n'apparait pas possible de remettre en cause le droit des particuliers de reproduire les oeuvres selon les possibilités actuellement offertes par les moyens techniques existants. 
Mais il convient de mesurer les risques que le développement de cette forme d'exploitation des oeuvres fait peser sur les auteurs, producteurs et artistes de l'édition phonographique et vidéographique. 
Le phénomène ne se réduit pas, en effet, à une amputation du revenu des professionnels : il contribue également à une diminution de l'offre d'emplois, notamment pour les artistes et les auteurs, dès lors que les conditions normales d'exploitation des ouvres ainsi que l'équilibre financier des entreprises d'édition se trouvent compromis.
Dés lors que l'on n'entend pas revenir sur le principe de la légalité de la copie privée, deux possibilités sont offertes pour corriger les conséquences financières de cette évolution.
 
La première consisterait à augmenter le prix de vente des supports préenregistrés . La seconde, qui a été mise en oeuvre dans d'autres pays européens, consiste à incorporer la rémunération des ayants droit dans le prix de revient des instruments permettant la copie. Telle est la solution proposée par le présent projet de loi qui prévoit l'évaluation sur une base forfaitaire de cette rémunération et son versement par le fabricant ou l'importateur des supports d'enregistrement. 
Au total, c'est une masse de l'ordre de 200 millions de francs par an qui pourrait être restituée aux producteurs, artistes et auteurs."
De son côté le député Jean-Paul Fuchs expliquait clairement que l'objectif de la rémunération était destiné à compenser les pertes financières liées à une sorte d'industrialisation du phénomène de copie privée :
"Conformément au principe posé par la loi de 1957, la copie faite par un particulier pour son propre usage reste licite. Toutefois, par l'instauration d'une redevance sur les supports vierges. Cette copie devient en quelque sorte payante. 
Les créateurs justifient cette disposition par l'augmentation du parc des lecteurs de cassettes . Les ventes de disques 33 tours, que l'on peut copier facilement, sont en chute constante ainsi que les droits des créateurs qui ne gagnent évidemment rien sur ces copies privées".
Une rémunération, pour quel montant ?

La rémunération pour copie privée est fixée par une Commission composée à la fois de représentants d'ayants droit, de distributeur, de commerçant et de consommateurs. Elle est donc en charge d'évaluer le phénomène de la copie privée et, en conséquence, les montants de rémunération à appliquer sur les divers supports d'enregistrement.

Cette évaluation n'est pas simple et est régulièrement contestée, notamment à l'occasion de recours en annulation des décisions de la Commission. Lors des débats parlementaires entourant l'adoption de la loi de 1985, le député Jean Foyer avait évoqué son scepticisme quant à la détermination tant du montant que de la répartition de la rémunération :
"J'avoue ne pas très bien comprendre comment pourra s'appliquer la disposition qui est prévue au deuxième alinéa de l'article 22 . Il y est précisé que la rémunération visée à l'article 31, c'est-à-dire le droit prélevé sur la valeur des cassettes ou des vidéocassettes, "est répartie à raison des reproductions privées, estimées par voie statistique, dont chaque oeuvre fait l'objet". Les paroles de Disraeli concernant la statistique me reviennent ici en mémoire.
En dépit des progrès de l'informatique moderne, comment réussirez-vous, monsieur le ministre, à estimer par voie scientifique la part des reproductions privées de telle oeuvre ou de telle autre? J'ai grand peur que vous n'ayez beaucoup de peine à y parvenir ."

Un seul sujet à ce stade : la question de la prise en compte ou non des téléchargements. Comme indiqué plus haut, pendant quelques années, la Commission Copie Privée intégrait dans le périmètre de la rémunération les actes de copie privée de fichiers téléchargés, à partir de sources illicites, sur internet. Or, une telle copie ne rentre pas dans le périmètre de l'exception de copie privée en raison de l'origine illicite du fichier primaire. Dans ces conditions, le piratage ne devait pas être un des critères d'évaluation du montant de la rémunération. Le Conseil d'Etat a donc censuré une décision de la Commission Copie privée et l'a invité à réévaluer ledit montant (montant demeuré inchangé, la Commission utilisant un critère d'ajustement basé sur le taux de compression utilisé sur les dispositifs de stockage).

Mais ce débat pourrait rebondir notamment si le projet d'instaurer une licence globale voit le jour. En effet, selon les propositions, la contrepartie de la licence globale est la "légalisation" des actes de téléchargement. En résumé, en contrepartie du paiement de quelques euros chaque mois auprès de son fournisseur d'accès à l'internet, l'internaute pourrait alors légalement télécharger des oeuvres y compris sur des réseaux peer-to-peer.

Si le téléchargement est ainsi légalisé, mécaniquement, il y aurait un effet de bord sur le montant de la rémunération pour copie privée. Le téléchargement étant légalisé, la Commission pourrait alors intégrer dans le mode de calcul des usages jusqu'alors exclus entraînant une augmentation mathématique du montant de la rémunération pour copie privée.

Ainsi, la contrepartie de la licence globale pour le consommateur serait double : paiement d'une taxe sur son abonnement d'accès à internet et augmentation des prix des divers supports amovibles suite à l'augmentation du montant de la rémunération pour copie privée.

Une rémunération qui doit évoluer ?

Face aux nouveaux usages, on entend des voix disant que la rémunération pour copie privée doit évoluer vers une rémunération non plus sur le stockage mais sur l'accès aux oeuvres. L'idée est de pouvoir frapper de rémunération les systèmes de cloud computing.

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Source: Martin Krzywinski sur Flickr (cc)

A ce stade, revenons déjà sur une interrogation. La rémunération pour copie privée a vocation à compenser économiquement l'usage de l'exception de copie privée. En d'autres mots, cette rémunération est destinée à compenser l'autorisation accordée par le juge de permettre à un particulier de faire usage d'une oeuvre sans l'accord de l'ayant droit. L'auteur de l'oeuvre ou son ayant droit n'a pas permis explicitement la reproduction que constitue la copie privée. En conséquence, il faut l'indemniser de cette entorse que crée le législateur.

Partant de là, se pose une question : la perception d'une rémunération pour copie privée est-elle alors légitime lorsque la copie réalisée par le particulier est l'application non pas de l'exception de copie privée mais d'un droit légitime accordé par l'ayant droit ? En clair, la rémunération pour copie privée doit-elle compenser non pas les "copies" mais les "duplications" réalisées avec l'accord de l'ayant droit ?

Qu'est ce que cela peut recouvrir. On peut, dans un premier temps, penser au cas des oeuvres diffusées dans un format ouvert ou libre, par exemple en Creative Commons. Des fichiers musicaux diffusés par l'auteur ou l'ayant droit sous ce format peuvent être librement reproduit et ceci avec l'accord de l'ayant droit. On n'est pas ici dans une reproduction de l'oeuvre sur la base de l'exception de copie privée, mais bien sur une autorisation explicite de l'ayant droit - qui donc accepte que son oeuvre soit ainsi reproduite sans contrepartie financière.

Les oeuvre diffusées en Creative Commons devraient donc être sortis du périmètre d'évaluation du montant de la rémunération pour copie privée.

Deuxième cas : Itunes et les plates-formes de musique qui commercialisent les fichiers, les oeuvres avec un nombre limité d'utilisation ou de copie. On retombe dans la même logique. Si j'achète un fichier pour lequel il m'est permis de réaliser qu'un nombre limité de duplication, cela signifie que - dès lors que je reste le nombre de duplication autorisé - je ne fais pas usage de mon exception de copie privée mais respecte plutôt les conditions dans lesquelles l'ayant droit a autorisé la commercialisation et la reproduction de son oeuvre.

Ainsi, dans la document de Itunes, on peut lire cela :
"Si votre ordinateur est relié à d’autres ordinateurs se connectant à un même réseau local, vous êtes en mesure de partager les articles composant votre bibliothèque, entre cinq ordinateurs maximum".
Cette disposition est reprise dans les conditions générales de Itunes Store :
"(ii) Vous aurez le droit d’utiliser les Produits iTunes, à tout moment, sur un nombre maximum de cinq ordinateurs sur lesquels est installée l'application iTunes, à l’exception des Locations de Film (voir ci-dessous)."
Ainsi, la question est la suivante : à partir du moment où l'ayant droit (au travers d'Itunes) m'autorise à réaliser un partage du fichier sur 5 ordinateurs, la duplication du fichier ne constitue pas une "copie privée" mais une reproduction du fichier, reproduction autorisée par l'ayant droit.

En conséquence, seules les duplications supplémentaires à 5 ne devraient être prises en compte pour évaluer le montant de la rémunération pour copie privée susceptible de s'appliquer aux smartphones, tablettes, lecteurs MP3, etc.

Cette idée de tenir compte des mesures techniques entourant la commercialisation de fichiers numériques n'est pas nouvelle. Bien au contraire, elle figure d'ores et déjà dans le Code de la propriété intellectuelle qui dit que :
"Ce montant tient compte du degré d'utilisation des mesures techniques définies à l'article L. 331-5 et de leur incidence sur les usages relevant de l'exception pour copie privée. Il ne peut porter rémunération des actes de copie privée ayant déjà donné lieu à compensation financière."
Ici, si lorsque j'achète un fichier sur Itunes, j'ai droit à 5 copies, cela signifie que mes premières 5 copies ont "déjà donné lieu à compensation financière" et qu'en conséquence, elles ne peuvent entrer dans le périmètre de calcul de la rémunération pour copie privée.

Dernier sujet intéressant : le cloud computing. De nouveaux services tendent à se développer permettant aux internautes de stocker à distance ses fichiers musicaux. On peut penser ainsi à iCloud ou Google Music.

La première interrogation que cela génère est intéressante : à partir du moment où le stockage des "copies privées" s'opère dans le cloud et que l'accès à ces fichiers se fait sous une forme de streaming, le stockage dans les supports amovibles va tendre à disparaître. En effet, si demain, vous mettez toute votre musique dans le cloud et que vous l'écoutez sur votre téléphone ou votre tablette en streaming, aucun stockage (hormis un stockage temporaire), aucune copie privée ne sera réalisée sur votre appareil de lecture. Résultat, la rémunération pour copie privée n'aura plus vocation à s'appliquer à ces outils.

Donc, il faudra déporter le montant de la rémunération pour copie privée sur le stockage des fichiers dans le Cloud. Or, ici se pose un problème plus globalement connu dans le monde de l'internet : comment assujettir des acteurs basés fiscalement hors de France (Luxembourg, Irlande, etc.) à une rémunération pour copie privée au titre de leurs "abonnements" pour leur service de cloud computing qui seraient utilisés par des consommateurs français ? Va-t-on devoir demander aux utilisateurs français de s'autodéclarer (comme quand ils achètent des CD ou DVDs vierges au Luxembourg) et d'acquitter spontanément le montant de cette rémunération ? Va-t-on compter sur le bon vouloir des acteurs du cloud pour reverser à la filière culture cette rémunération ?

Il n'est donc pas étonnant d'avoir vu apparaître parmi les propositions "Culture" de l'UMP cette idée de faire glisser la rémunération pour copie privée vers un mécanisme de taxation à l'accès afin d'avoir une emprise sur Google, Apple ou Amazon (les 3 gros acteurs du cloud ...).

Mais même ici, une autre question se posera. Si à terme le stockage primaire n'a lieu plus que dans le cloud (sans passer par le disque dur d'un PC) et que le seul accès se fait sous la forme d'une mise ne cache temporaire et d'une lecture en streaming, l'assujettissement du cloud à la rémunération pour copie privée sera-t-il légitime ? De la même manière finalement où actuellement - sans compter les considérations d'ordre politique - la taxation du disque dur de l'ordinateur a toujours été écartée au motif que les reproductions réalisées ne sont pas des copies privées mais plutôt la copie "primaire" qui pourra alors servir de support à la réalisation de copie privée.

Ces enjeux, on le voit ne sont pas simple. Si on essaye de synthétiser, la rémunération pour copie privée a été prévue pour compenser l'exercice par le consommateur d'un droit accordé par la loi : l'exception de copie privée, reproduction non autorisée par l'auteur. A partir du moment où 1) les duplications sont autorisées par l'auteur (creative commons, licence d'utilisation) voire 2) il n'y a plus copie privée mais un simple stockage temporaire, la base même de perception de la rémunération pour copie privée est susceptible de s'écrouler.

Finalement, en conclusion, on peut se replonger dans le discours du député Alain Richard, rapporteur du projet de loi qui créera la rémunération pour copie privée. Un discours qui, 25 ans après est encore d'actualité :

"L'auteur, dans les sociétés de liberté, est une personne qui se définit par sa liberté et son indépendance à l'égard de tous les pouvoirs. En conséquence, les droits de l'auteur ont un caractère civil ; Ils sont négociables et susceptibles d'être défendus dans les mêmes conditions que n'importe lequel des droits individuels de la personne. 
Ce caractère de la propriété littéraire et artistique suppose une complète liberté de la part de celui qui en est à la fois le détenteur et le porteur, car c'est aussi une responsabilité. 
Ce principe civiliste comporte certains risques de rente de situation ou, au contraire, de dénuement des artistes ou des auteurs qui sont pendant un certain temps incompris . On peut certes prévoir des aménagements ou des compensations, mais c'est la rançon de la liberté et de l'autonomie du créateur, qui sont à la base de cette législation qui est devenue, me semble-t-il, une tradition de civilisation dans les pays de liberté. 
(...)Nous devons tous, c'est-à-dire l'ensemble des partenaires intéressés par ces nouveaux développements technologiques, nous garder d'une espèce de fièvre de l'or que j'ai cru voir briller dans les yeux de certains de nos interlocuteurs, comme si demain matin ces secteurs nouveaux de diffusion ou de création pouvaient être porteurs de pactoles inconnus. 
Nous devons au contraire être attentifs à une constante du caractère français : sa relative lenteur, sa relative réticence à adopter les cours nouveaux en matière de communication et sa relative vulnérabilité face au développement industriel et commercial de ces nouveaux supports. 
Gardons-nous de semer des illusions sur les richesses qui pourraient d'un seul coup naître de l'exploitation de ces nouvelles technologies, et surtout d'ébranler le soubassement économique par des surcharges intempestives".

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