jeudi 2 janvier 2014

Année 2014 : à quoi le secteur numérique doit-il s'attendre comme nouvelles règlementations ?

Qu’attendre en 2014 ? Le programme de travail du Parlement est d’ores et déjà bien rempli et celui des administrations le sera tout autant. Plusieurs textes finissent leur examen par l’Assemblée nationale et le Sénat tandis que d’autres sont annoncés avant la fin de l’année. Un programme de travail qui va aussi laisser une large place au passage par la voie des ordonnances. Face à un Parlement surchargé et à un calendrier allégé pour cause d’élections municipales, le Gouvernement adoptera lui même des réformes législatives par le truchement de ce fameux article 38 de la Constitution.



L’année sera sans doute marquée par de nombreux textes destinés à renforcer les obligations pesant sur les intermédiaires de l’internet ou tendant à renforcer la lutte contre les contenus illicites circulant sur la toile mondiale. Des mesures plus positives en faveur des consommateurs verront également le jour.

D’ores et déjà, petit tour des perspectives de l’année 2014. Sans doute, non exhaustif.


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En janvier : gratuité des frais de port pour les livres, protection des sources des journalistes, accès aux données de localisation, renforcement des obligations des intermédiaires internet, vote par internet et protection des consommateurs


Les réformes débuteront dès le 8 janvier avec l’examen par le Sénat de la proposition de loi visant à encadrer le prix de vente des livres. Il s’agit d’un texte destiné à interdire la gratuité des frais de port ou du moins à tenter de rétablir un équilibre entre les cybermarchands de livres (en particulier Amazon) et les libraires indépendants frappés de plein fouet par la crise. A noter que selon les derniers chiffres publiés par le Ministère de la Culture, les livres sont principalement achetés dans les grandes surfaces spécialisées ou non (à 42%), puis en librairie (23%), puis sur Internet (17%)


Le 16 janvier, l’Assemblée nationale discutera du projet de loi sur la protection des sources des journalistes. Le texte aborde très peu la question du numérique. Une des propositions, pour l’heure écartée, serait de faire bénéficier également les blogueurs - qui n’ont donc pas le statut de journaliste - de cette protection. A noter que le texte sera peut être aussi l’occasion pour le Parlement de discuter du cadre juridique à élaborer autour des fameux lanceurs d’alerte. Un sujet, qui mériterait aussi de figurer, serait la manière dont cette protection des sources des journalistes pourra être garantie dans un univers numérique. A partir du moment, où des données sont collectées massivement par les services de renseignement, incluant notamment les entêtes de courriers électroniques (qui écrit à qui) ou les sites internet visités, sans doute que cette protection - élaborée dans une vision d’échanges physiques - tend progressivement à ne plus répondre aux nouvelles pratiques tant du journalisme que des services d’enquête.


Accès et surveillance toujours, le 20 janvier débutera au Sénat l’examen du projet de loi de géolocalisation. Ce texte est destiné à “patcher” l’effet de décisions de la Cour de cassation qui avaient demandé aux autorités d’enquêtes de se doter d’un cadre juridique plus protecteur des libertés. Par ce texte, il sera dorénavant possible à tout enquêteur de mettre en oeuvre une mesure de géolocalisation d’une personne, d’un véhicule ou de tout autre objet. Un juge des libertés devra autoriser la prolongation de la mesure au delà de 15 jours. Ce texte, conçu pour permettre une géolocalisation de téléphones mobiles, de voitures ou de containers, est plus large dans sa rédaction et devrait permettre une localisation de tout objet. Avec le développement des objets connectés, est-on sûr que les garanties nécessaires ont été prévues ?


Toujours le 20 janvier, mais à l’Assemblée nationale, débute la discussion en première lecture du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce texte avait été préalablement examiné par le Sénat. Il touche de manière importante les questions internet. Outre le renforcement du délit de cyberharcelement, le texte cherche à imposer de nouvelles obligations aux intermédiaires de l’internet afin qu’ils participent à la lutte contre les discriminations et la propagation de contenus faisant l’apologie ou provoquant aux discriminations. Il soulève clairement la question du rôle des intermédiaires de l’internet, fournisseurs d’accès ou hébergeurs, dans la lutte contre les contenus illicites. Doit-on attendre de ces intermédiaires qu’ils aient un comportement positif (notification aux autorités, suppression, blocage, etc.) dès lors qu’ils ont connaissance de n’importe quel contenu potentiellement illicite et sans passage préalable par un juge ? Le projet de loi “égalité” prévoit actuellement une obligation de signalement aux autorités, et plus précisément à la plateforme PHAROS gérée par le Ministère de l’Intérieur, des contenus provoquant à la discrimination. Néanmoins, aucun moyen supplémentaire n’a été accordé à cette plateforme qui - avec moins de 10 personnes - traite plus de 120.000 signalement chaque année.


Le 21 janvier, le Sénat débutera aussi, en première lecture la proposition de loi sur le vote par internet pour les français de l’étranger aux prochaines élections européennes. Cette modalité de vote avait été autorisé lors des précédentes élections législatives pour la désignation des représentants des circonscriptions hors de France.


Toujours en janvier, le 23 janvier, l’Assemblée nationale discutera de la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques. Le texte vise notamment à renforcer les règles relatives à la publicité pour les téléphones mobiles ou les tablettes avec ajout d’un message sanitaire. De même, il interdira l’installation de Wi-Fi dans les écoles accueillant des enfants de moins de 6 ans et à en réduire les autres dans les autres établissements.


Enfin, le 27 janvier, le Sénat discutera en deuxième et dernière lecture du projet de loi relatif aux droits des consommateurs qui transpose une directive réactualisant le cadre juridique de la vente par internet et de la vente à distance. Ce texte, qui fait encore l’objet de nombreuses discussions entre les deux assemblées, a vocation à renforcer l’information des consommateurs et à offrir plus de pouvoirs aux autorités chargés de la lutte contre la fraude. Il ouvre notamment la possibilité pour la DGCCRF de demander au juge d’ordonner le blocage par les divers fournisseurs d’accès à internet de l’accès à un site internet violant les dispositions du droit de la consommation.


Et aussi, plusieurs ordonnances pour plus de dématérialisation ou réformer le droit des contrats à l'heure du numérique


Au-delà des travaux au Parlement, plusieurs textes de nature législative sont attendus. Mais ils devraient être adoptés par voie règlementaire sous la forme d’une ordonnance. Ainsi, dans la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens, le Gouvernement a été autorisé à adopter d’ici le mois de novembre 2014 plusieurs ordonnances destinées à :
  • Définir les conditions d'exercice du droit de saisir par voie électronique les autorités administratives et de leur répondre par la même voie ; 
  • Définir les conditions, en particulier les garanties de sécurité et de preuve, dans lesquelles les usagers peuvent, dans le cadre de leurs échanges avec les autorités administratives, leur adresser des lettres recommandées par courriers électroniques ayant valeur de lettre recommandée lorsque cette formalité est exigée par un texte législatif ou réglementaire, et les conditions dans lesquelles les autorités administratives peuvent user du même procédé avec les usagers qui l'ont préalablement accepté ; 
  • Elargir les possibilités de recours aux technologies permettant aux organes collégiaux des autorités administratives, de délibérer ou de rendre leur avis à distance, dans le respect du principe de collégialité.  



De même, dans le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures - qui devrait être discuté et adopté par le Parlement au début de l’année 2014 - plusieurs ordonnances touchant le sujet du numérique sont d’ores et déjà prévues.


Ainsi, le Parlement devrait amorcer une réforme du Code civil et prévoit l’intervention d’une ordonnance pour affirmer les principes généraux du droit des contrats tels que la bonne foi et la liberté contractuelle et notamment “préciser les règles relatives au processus de conclusion du contrat, y compris conclu par voie électronique, afin de clarifier les dispositions applicables en matière de négociation, d'offre et d'acceptation de contrat, notamment s'agissant de sa date et du lieu de sa formation, de promesse de contrat et de pacte de préférence”.


De même, le Gouvernement devrait être habilité à définir, par voie d’ordonnance, les conditions dans lesquelles l'autorité judiciaire peut adresser des convocations, avis et documents par voie électronique, aux auxiliaires de justice, aux experts, et aux personnes impliquées dans une procédure pénale ainsi que définir les garanties de sécurité et de preuve de la transmission applicable à la communication électronique en matière pénale. Il s’agit d’étendre à la matière pénale, les principes de dématérialisation des actes de procédure qui ont déjà cours, notamment, devant les juridictions administratives ou judiciaire en matière civile.


Sans oublier : le décret d'application de la #LPM, la loi post-Lescure et Hadopi, la loi "Habeas Corpus Numérique" ou une grande loi sur le renseignement


Au-delà de ces textes, plusieurs autres textes législatifs ou règlementaires sont attendus. On peut notamment mentionner :
  • le décret d’application de l’article 20 de la loi de programmation militaire qui avait modifié les conditions d’accès aux données Internet pour les services de renseignement. Sa publication devra être l’occasion de générer un contentieux afin de vérifier la constitutionnalité de la mesure législative ; 
  • l’examen de la proposition de loi de lutte contre le système prostitutionnel. Lors de son examen à l’Assemblée nationale, les députés avaient retiré toute mention au filtrage de sites internet et ne prévoyaient qu’une obligation de signalement des contenus faisant la promotion de la traite d’être humains aux autorités. 
  • une loi dite “habeas corpus numérique” relative aux droits et libertés sur internet. Annoncée lors de la campagne présidentielle, ce texte est destiné notamment à renforcer les garanties offertes en matière de fichier de police. Le texte devrait également inclure - à confirmer - un chapitre relatif aux problématiques de neutralité de l’internet, de filtrage et/ou de blocage de contenus, voire de renforcement de la protection des données personnelles - ce dernier sujet étant lui même discuté actuellement à Bruxelles dans le cadre du projet de règlement européen relatif aux données personnelles ; 
  • une loi sur les suites du rapport Lescure qui devrait notamment consacrer le transfert des pouvoirs de l’HADOPI au CSA et offrir à cette autorité de nouveaux pouvoirs en matière de lutte contre la contrefaçon et de promotion de l’offre légale. La loi sera sans doute l’occasion de nombreux débats sur le périmètre des exceptions au droit d’auteur, sur la mise en oeuvre de nouveaux mécanismes de rémunération, de révision du mécanisme de la copie privée voire de la mise en oeuvre d’une nouvelle régulation pour les contenus diffusés sur Internet ; 
  • une loi sur le renseignement qui devrait réformer le cadre juridique et renforcer les pouvoirs offerts aux services de renseignement. Annoncée lors des débats sur la loi de programmation militaire, le périmètre et les contours exacts de ce texte ne sont pas encore connus.


Enfin, l’année 2014 devrait également être marquée par des initiatives parlementaires en matière du renforcement de la lutte contre la diffusion de messages appelant à la haine raciale. Sans doute qu’un nouveau débat sur la question de la computation des délais de prescription des délits de presse commis sur Internet devrait, de nouveau, agiter les assemblées et les réseaux sociaux.


L’année à venir n’existe pas encore. Nous ne possédons que le petit instant présent.
Profitons en.
Bonne année 2014.

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