samedi 19 février 2011

Seule l'HADOPI peut faire usage de la marque HADOPI

L'affaire avait été révélée au début du mois de janvier 2010 par plusieurs sites internet et l'AFP. Un particulier avait déposé six mois avant le Gouvernement la marque "Hadopi" à l'INPI. En effet, avec la marque déposée le 19 mai 2009, il souhaitait développer sa propre plate-forme musicale. Seulement, l'INPI décida d'annuler sa marque. Le dépositaire décida donc de saisir la justice.

En pratique, le particulier a déposé, le 19 mai 2009, auprès de l'INPI, une demande d'enregistrement de la marque verbale HADOPI pour désigner certains produits et services des classes 35, 38 et 45 (notamment publicité en ligne sur un réseau informatique, fourniture d'accès à un réseau d'informatique mondial, services de messagerie électronique, location d'accès à des réseaux d'informatique mondiaux, mais également agences matrimoniales, pompes funèbres, service de crémation, établissement d'horoscope...).

Le 30 avril 2010, le Directeur de l'INPI a rejeté, sur le fondement des articles L 712-7 b) et L 711-3 b) et c) du code de la propriété intellectuelle, la demande d'enregistrement de la marque en considérant que "le signe HADOPI était contraire à l'ordre public et était de nature à tromper le public sur la nature des produits et services visés dans la demande d'enregistrement".

Le particulier décida de former un recours contre cette décision. Il expliqua dans son mémoire soutient qu'il "n'existe pas de trouble à l'ordre public dès lors que le signe HADOPI « n'est pas un sigle légalement consacré », la désignation usuelle de la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des Droits sur Internet sous l'acronyme HADOPI n'a pas de caractère officiel et la promulgation de la loi N° 2009-669 du 12 juin 2009 créant la Haute Autorité est postérieure à la demande d'enregistrement de la marque".

En outre, il indiqua qu'au jour du dépôt, "le signe était disponible, la Haute Autorité ne pouvant faire, antérieurement à la loi, un usage public du signe HADOPI" et "qu'il n'existe aucun risque de confusion dans l'esprit du public qui ne peut être amené à croire à une filiation entre la Haute Autorité et des produits ou services visés dans sa demande d'enregistrement de marque".

De son côté le représentant de l'INPI expliqua que le "vocable HADOPI, acronyme pour Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des Droits sur Internet est le « nom usuel » sous lequel la Haute Autorité a été connue d'un large public, avant même sa création par la loi. (...) Que pour un public de consommateurs, le signe HADOPI évoque ou suggère l'autorité publique investie de plusieurs missions de protection de droits en matière d'Internet et que son utilisation est donc de nature à tromper le public sur « une « qualité essentielle des services en cause » en leur prêtant une nature officielle ou un caractère officiel" et que "l'enregistrement à titre de marque du signe HADOPI au profit de l'État n'est pas critiquable dans la mesure où c'est l'autorité publique qui dépose une demande d'enregistrement portant sur un signe suggérant un caractère officiel des services ou produits considérés".

Interrogée, l'HADOPI a indiqué de son côté que :
*le signe HADOPI, qui est l'acronyme usuel de la Haute Autorité, a fait l'objet d'une large diffusion avant la demande d'enregistrement de Monsieur Renaud X, cette diffusion étant opérée notamment par de très nombreux articles de presse écrite tant généraliste que spécialisée.
*Le caractère trompeur du signe déposé par Monsieur Renaud X en ce qu'il suggère un caractère officiel aux services ou produits fait que le signe déposé à titre de marque est contraire à l'ordre public, le public pouvant croire, abusivement, que les services ou produits émanent de la Haute Autorité.
*Le signe HADOPI pouvait faire l'objet d'un dépôt de marque par l'autorité publique éponyme chargée par la loi de missions, notamment celle de labellisation d'accès à Internet et qu'il était donc de son intérêt de se réserver l'utilisation du vocable HADOPI, qui permet au public d'internautes de l'identifier à l'occasion des actions qu'elle doit mener dans le cadre de ses missions légales.

De son côté, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence dans son arrêt rendu le 5 janvier 2011 indique que :
Attendu qu'il est suffisamment établi qu'avant la promulgation de la loi N° 2009-669 du 12 juin 2009 « favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet » un très large public a été familiarisé avec l'appellation HADOPI qu'il rattachait à la loi HADOPI en cours d'élaboration, destinée à organiser la protection des droits de propriété intellectuelle sur Internet et à créer une Autorité de régulation ; que tous les médias (d'abondants éléments de presse écrite étant produits à titre d'illustration) se sont faits l'écho du « débat de société » qui a eu lieu à l'occasion de l'élaboration de ce texte de loi ; que la loi a créé une autorité publique indépendante, appelée la « Haute Autorité » à laquelle a été confiée notamment une mission de « régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d'identification des 'uvres et des objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin » ;
(...)
le signe HADOPI choisi par Monsieur Renaud X à titre de marque pour désigner différents produits et services est de nature à tromper le public sur la nature et/ou la qualité des produits et services visés dans sa demande d'enregistrement ; que dans l'esprit du très large public qui a été soumis au « débat », relayé abondamment par les médias, sur la nécessité ou non d'une protection des droits d'auteur sur Internet, le signe HADOPI bien avant la promulgation de la HADOPI évoquait pour un très large public la mise en place par l'État d'une autorité de régulation ; qu'il s'ensuit que le signe HADOPI qui est déposé à titre de marque par Monsieur Renaud X, mais qui était rattaché de manière étroite à un dispositif étatique, est de nature à induire en erreur un public d'attention moyenne (d'abord lecteur /auditeur, puis consommateur) ; qu'il lui était directement suggéré que les produits et services portant la marque HADOPI relèvent ou émanent, d'une manière quelconque, du dispositif « officiel », peu important que ce dernier ait été alors en voie de création ; que le signe HADOPI déposé par Monsieur Renaud X à titre de marque créait une confusion certaine avec la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des Droits sur Internet ; que Monsieur le Directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle était donc fondé sur le seul fondement de l'article L 711-3 c) du code de la propriété intellectuelle a rejeté la demande d'enregistrement de Monsieur Renaud X ; que le signe HADOPI ne pouvait, le 19 mai 2009, être adopté en tant que marque dès lors qu'il était de nature à tromper le public sur la qualité de tous les produits et services visés dans la demande en ce qu'il laissait croire à leur possible rattachement à un dispositif légal, dont la mise en place était alors imminente"

La Cour d'appel confirme donc la décision du Directeur de l'INPI rejettant la demande d'inscription de la marque HADOPI. Seule l'HADOPI est en mesure de faire usage du terme HADOPI

Source : CA Aix-en-Provence, 05/01/2011, Renaud X représenté par Me Emmanuel Pierrat c/ INPI, Monsieur le Procureur général près de la Cour d'appel et Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet (HADOPI) représentée par Me Fabienne Fajgenbaum.

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