mardi 18 janvier 2011

Une cession de droit d'auteur pour une application Iphone n'inclut pas automatiquement l'Ipad et l'Ipod

Un graphiste crée en 2007 un petit personnage dénommé "Carl". Ce personnage intéresse la société AWYSE qui est spécialiste dans la programme pour applications sur Iphone. En septembre 2009, le graphiste conclut avec la société AWYSE un "contrat de commande et de cession de droits d'auteur relatif à une oeuvre multimédia de composition" portant sur le personnage Carl et une oeuvre multimédia de composition. En parallèle, la société AWYSE a conclu avec un développeur un contrat de cession de droit d'auteur portant sur une "application multimédia (logiciel) dédiée à l'Iphone sur la base du scénario "Carl".

Cette application "Talking Carl" est commercialisée à partir du 8 décembre 2009 sur Itunes et fait l'objet, au 30 avril 2010, de 598.150 téléchargements au prix de 0.99 dollars.

Constatant l'exploitation de l'application "Talking Carl" sur Ipod, le graphiste demanda le 2 février 2010 à la société AWYSE de stopper la possibilité de télécharger cette application sur les produits autres que l'Iphone. Constatant en mai 2010 la poursuite de la commercialisation de l'application sur les Ipod et Ipad, le graphiste décida au mois d'août 2010 d'assigner la société AWYSE.

Par jugement en date du 16 novembre 2010, après avoir constaté la protection au titre du droit d'auteur du personnage "Carl", les tribunaux ont analysé - au regard du contrat de cession - si la société AWYSE avait commis des actes de contrefaçon.

Pour le tribunal :
Aux termes de l'article 6 du "contrat de commande et de cession de droits d'auteur relatif à une oeuvre multimédia de composition" conclu le 17 septembre 2009 entre la société AWYSE et Monsieur X, celui-ci a cédé ses droits patrimoniaux, de reproduction, de représentation, d'utilisation, de diffusion, de modification, de traduction et d'incorporation sur le personnage Cari et sur l'oeuvre multimédia "exclusivement et uniquement en vue de la création, de la commercialisation et de l'utilisation du logiciel sur les smartphones". Par ailleurs, l'annexe 3 du contrat "scénario et modalités d'application" représente un téléphone Iphone et décrit au vu du scénario ses fonctionnalités.
La société AWYSE soutient que l'Ipad et l'Iphone constituent des smartphones puisqu'ils peuvent grâce à la fonction wifi permettre de téléphoner et que la restriction au smartphone constitue une erreur du rédacteur du contrat.
Elle ne conteste pas la définition du smartphone donnée par le demandeur, à savoir un téléphone intelligent, ni le fait qu'un Ipod permette à son utilisateur d'écouter de la musique. Le seul fait qu'au vu de l'article du 18 août 2010, extrait du site <01net.com>, il existe un gadget chinois qui transforme l'Ipod en téléphone et dont 150 prototypes ont été utilisés ne suffit à établir qu'un Ipod, qui n'est pas un téléphone et a des fonctionnalités techniques différentes de celui-ci, constitue au sens du contrat un smartphone. En effet, en suivant le raisonnement de la société AWYSE, n'importe quel objet doté d'un gadget similaire deviendrait un téléphone alors qu'il convient d'interpréter strictement le contrat qui a force de loi entre les parties et de ne pas le dénaturer.
Par ailleurs, s'il résulte des pièces versées au débat que Monsieur X avait connaissance du téléchargement de son application sur des Ipod, elle ne suffit pas à caractériser son consentement pour étendre le champ contractuel des droits cédés, d'autant qu'il se plaignait de l'inadaptation technique de ce support.
Il n'est pas contesté par la société défenderesse que la commercialisation de l'Ipad, ordinateur doté d'un écran tactile, a débuté le 28 mai 2010 si bien que le contrat du 17 septembre ne pouvait prévoir ce support.
La société défenderesse, qui s'abstient de produire au débat le contrat la liant à la société APPLE, ne rapporte pas la preuve de l'impossibilité d'interdire l'achat par le consommateur d'une application pour un support Ipod ou Ipad. En effet, les conditions générales de vente sur Itunes qu'elle produit, et qui indiquent que les produits peuvent être stockés sur différents appareils, s'adressent aux acheteurs potentiels. En revanche, il résulte du "guide du développeur" d'Itunes (version de septembre 2009), versé au débat par le demandeur, que celui qui soumet une application a la possibilité de sélectionner le support et donc, partant, d'en exclure certains.
En conséquence, le Tribunal considère que la société a commis des actes de contrefaçon en permettant le téléchargement de l'application sur l'Ipod et l'Ipad, alors que le créateur n'avait autorisé cet usage que sur l'Iphone.

Pour apprécier le préjudice à réparer, les juges relèvent que "au vu des échanges entre acheteurs de l'application versés aux débats, certains d'entre eux ont fait part de leur mécontentement du fait de son absence de compatibilité avec certains modèles d'Ipod". Ils évaluent donc le préjudice moral de l'auteur à hauteur de 8000 euros.

En outre, le Tribunal interdit à la société AWYSE d'exploiter l'oeuvre graphique "Carl" sur supports Ipod et Ipad sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard.

Cette solution classique permet de nouveau de rappeler l'importance, dans tout contrat de cession de droit d'auteur de préciser les usages pour lesquels les droits d'exploitation sont cédés.

Source : TGI Paris, 3ech, 16 novembre 2010, Yann X c/ SARL AWYSE et Simon Y.

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